2. La garantie de l'Ă©galitĂ© devant la justice 114 § 3. La garantie de la gratuitĂ© de la justice et l'organisation d'une assistance judiciaire 114 §4. La garantie d'une justice de bonne qualitĂ© 118 § 5. La garantie de l'indĂ©pendance et de l'impartialitĂ© des juridictions 120 §6. Le droit Ă  une langue que l'on comprend 126 §7. La ReplierPartie lĂ©gislative (Articles L111-1 Ă  L563-1). Replier LIVRE Ier : DISPOSITIONS COMMUNES AUX JURIDICTIONS JUDICIAIRES (Articles L111-1 Ă  L141-3). Replier TITRE II : RÈGLES GÉNÉRALES D'ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT (Articles L121-1 Ă  L124-3). Replier Chapitre II : Le ministĂšre public (Articles L122-1 Ă  L122-4). AprĂšsavis donnĂ© aux parties conformĂ©ment Ă  l' article 1015 du code de procĂ©dure civile, il estLA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrĂȘt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION _ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, prĂ©sident ArrĂȘt n° 592 FS-B Pourvoi n° M 19-21.798 R É P U B L I Q U E F R A N Vay Tiền TráșŁ GĂłp 24 ThĂĄng. Texte intĂ©gral 1 De Mulder V., La Belgique se rapproche d’un État voyou, pour le plus haut magistrat du pays », RT ... 1 Quel respect donner Ă  un État qui marchande sa fonction la plus archaĂŻque, qui est de rendre la Justice ? [
] Cet État n’est plus un État de droit, mais un État voyou ». C’est par ces mots que le Chevalier Jean de Codt, premier prĂ©sident de la Cour de cassation, a fait trembler la sphĂšre mĂ©diatique belge le dimanche 15 mai 2016, Ă  l’occasion d’une interview tĂ©lĂ©visĂ©e remarquĂ©e1. Sorti de sa rĂ©serve selon certains, incarnant sa fonction pour d’autres, l’évĂšnement mĂ©rite d’ĂȘtre plus amplement analysĂ©. Il Ă©veille en effet une myriade de rĂ©flexions sur la place du pouvoir judiciaire et de l’acte de juger Ă  l’heure actuelle. 2 Somers P., Le printemps de la justice - Actes du colloque du 27 fĂ©vrier 2015 organisĂ© par l’Union ... 2Paul Somers rĂ©sume la problĂ©matique en ces mots en cherchant Ă  moderniser l’appareil judiciaire, la Belgique aurait-elle renoncĂ© Ă  affirmer la sĂ©paration des pouvoirs, le respect du procĂšs Ă©quitable et l’indĂ©pendance de la justice ? »2. Nous proposons de nous focaliser, dans la prĂ©sente contribution, sur la question de savoir si les rĂ©formes judiciaires qui ont Ă©tĂ© menĂ©es au cours des derniĂšres annĂ©es ont affectĂ© – et le cas Ă©chĂ©ant, dans quelle mesure – le principe de la sĂ©paration des pouvoirs. 3Il s’agit lĂ  d’un principe bien connu et souvent Ă©voquĂ© par les acteurs et les commentateurs de la vie politique. La rĂšgle est cependant plus difficile Ă  cerner et certainement moins absolue qu’il n’y paraĂźt de prime abord. Pour tenter de rĂ©pondre Ă  la question que nous avons formulĂ©e, il sera donc nĂ©cessaire de revenir, au moins briĂšvement, sur la portĂ©e du principe I. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons nous intĂ©resser aux enjeux actuels et nous demander si les rĂ©formes entreprises par le lĂ©gislateur sont de nature Ă  entrer en conflit avec le principe fondamental II. Nous poursuivrons enfin la rĂ©flexion en nous fondant sur une sĂ©rie d’exemples choisis, dans le but d’essayer de concilier certains antagonismes que l’analyse aura fait apparaĂźtre III. I. SĂ©parer ou Ă©quilibrer les pouvoirs 3 Pariente A. dir., La sĂ©paration des pouvoirs – ThĂ©orie contestĂ©e et pratique renouvelĂ©e, Paris, D ... 4Pour asseoir notre rĂ©flexion sur des bases suffisamment solides, il convient de revenir en premier lieu sur l’origine et la signification de la notion de sĂ©paration des pouvoirs. Le concept, comme celui de dĂ©mocratie, est un de ceux qu’on utilise beaucoup sans ĂȘtre nĂ©cessairement en mesure de lui donner une portĂ©e prĂ©cise. On a ainsi pu relever que [l]a sĂ©paration des pouvoirs est paradoxalement l’un des concepts juridiques les plus connus du grand public et l’un des moins Ă©tudiĂ©s des juristes »3. 5Dans les pages qui suivent, nous aborderons successivement la conception prĂ©sente dans l’Ɠuvre classique de Montesquieu A, puis la thĂ©orie Ă©tablie par les pĂšres fondateurs des États-Unis d’AmĂ©rique B, avant de nous focaliser sur le principe tel qu’il s’est dĂ©veloppĂ© en droit belge C. La sĂ©paration des pouvoirs selon Montesquieu 6L’idĂ©e selon laquelle il est prĂ©fĂ©rable de partager le pouvoir Ă©tatique entre diffĂ©rentes personnes ou diffĂ©rents organes n’est pas neuve. Elle Ă©tait mise en Ɠuvre dans bon nombre de systĂšmes politiques dĂšs l’AntiquitĂ©. Pour ne prendre qu’un seul exemple, on sait que, sous la RĂ©publique romaine, l’autoritĂ© publique Ă©tait rĂ©partie entre diffĂ©rentes assemblĂ©es et magistratures. 4 Voy. en particulier le chapitre 12 du DeuxiĂšme TraitĂ©. 5 Locke J., Deux traitĂ©s de gouvernement civil 1690, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1997, ... 6 Locke J., p. 220. 7La thĂ©orisation de la sĂ©paration des pouvoirs, dans son acception contemporaine, remonte toutefois Ă  des siĂšcles plus rĂ©cents. Contrairement Ă  l’idĂ©e reçue, ce n’est pas au baron de Montesquieu, mais Ă  John Locke, que revient la paternitĂ© de la division tripartite des pouvoirs4 et la recommandation d’une certaine sĂ©paration dans leur attribution5. NĂ©anmoins, Ă©lĂ©ment fort intĂ©ressant pour notre propos, cet auteur n’identifiait pas, Ă  l’époque, de pouvoir judiciaire Ă  part entiĂšre. À cĂŽtĂ© des pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif dont il affirmait l’existence se trouvait un pouvoir dit fĂ©dĂ©ratif, lequel incluait le pouvoir de faire la guerre et la paix, de conclure des ligues et des alliances et de traiter n’importe quelle affaire avec toutes les personnes et toutes les communautĂ©s qui sont en dehors de la rĂ©publique »6. 8L’apport de Montesquieu est toutefois significatif, Ă  deux titres au moins il a non seulement mis en Ă©vidence l’intĂ©rĂȘt de la sĂ©paration des pouvoirs, en insistant sur les consĂ©quences nĂ©fastes de leur rĂ©union, mais il a aussi prĂŽnĂ© l’autonomie du pouvoir judiciaire. On lui connait cette phrase cĂ©lĂšbre 7 Montesquieu, p. 206. il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrĂȘte le pouvoir »7. 9Selon le philosophe, la sĂ©paration des pouvoirs doit donc dĂ©couler de la structure institutionnelle d’un État ; de prĂ©fĂ©rence par le moyen d’une constitution qui prĂ©voit que ces pouvoirs sont exercĂ©s par des titulaires diffĂ©rents, dans le but de se prĂ©munir de l’autoritarisme. Ainsi, en ce qui concerne le pouvoir judiciaire, le magistrat bordelais affirme qu’ 8 Ibid., p. 208. Il n’y a point [
] de libertĂ©, si la puissance de juger n’est pas sĂ©parĂ©e de la puissance lĂ©gislative et de l’exĂ©cutrice. Si elle Ă©tait jointe Ă  la puissance lĂ©gislative, le pouvoir sur la vie et la libertĂ© des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait lĂ©gislateur. Si elle Ă©tait jointe Ă  la puissance exĂ©cutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. Tout serait perdu, si le mĂȘme homme, ou le mĂȘme corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs celui de faire des lois, celui d’exĂ©cuter les rĂ©solutions publiques, et celui de juger les crimes ou les diffĂ©rends des particuliers »8. 10Si l’on se penche plus avant sur le pouvoir judiciaire, on remarque que Montesquieu le distingue des deux autres en ce qu’il s’exerce directement sur les particuliers, de sorte que ceux-ci sont immĂ©diatement soumis Ă  son emprise. Pour pallier les risques accrus d’arbitraire que prĂ©sente cette situation, Montesquieu dĂ©veloppe une conception du juge en retrait par rapport au pouvoir politique ; celle-ci a fait date Ă  travers deux phrases-clĂ©s de l’Esprit des lois 9 Ibid., p. 216. les juges de la nation ne sont 
 que la bouche qui prononce les paroles de la loi »9. 10 Ibid., p. 212. Des trois puissances 
, celle de juger est, en quelque façon, nulle »10. 11 Lambert E., Le Gouvernement des juges, Paris, Giard, 1921, pp. 4-5. 12 Voy. le titre VIII de la Constitution de la RĂ©publique française. 13 DelpĂ©rĂ©e F., La sĂ©paration des pouvoirs, aujourd’hui », 1990, p. 126. 11Cette idĂ©e continue Ă  marquer la vision de la justice et du juge, en Belgique comme d’ailleurs en France. La crainte d’un gouvernement des juges », expression que l’on doit Ă  Édouard Lambert11, y est devenue un marronnier de la doctrine juridique. En France, la mission de rendre la justice est attribuĂ©e, selon la Constitution de 1958, Ă  l’autoritĂ© judiciaire12, plutĂŽt qu’au pouvoir judiciaire – la diffĂ©rence est symboliquement forte. En Belgique, le CongrĂšs national Ă©tait, en 1830-1831, imprĂ©gnĂ© de la conception de Montesquieu ; comme l’a Ă©crit Francis DelpĂ©rĂ©e, il a choisi de contenir la fonction judiciaire dans l’optique de placer les juges hors du jeu politique »13. La notion amĂ©ricaine des checks and balances 12Quelques annĂ©es aprĂšs la publication de L’esprit des lois, la pensĂ©e de Montesquieu a jouĂ© un rĂŽle important dans l’élaboration de la Constitution des États-Unis d’AmĂ©rique. On retrouve en particulier l’idĂ©e dans la pensĂ©e d’Alexander Hamilton, James Madison et John Jay. Ces trois hommes politiques ont rĂ©digĂ©, sous le pseudonyme de Publius, les cĂ©lĂšbres Federalist papers, Ă  travers lesquels ils plaidaient pour l’adhĂ©sion de l’État de New York Ă  la Constitution de 1787. Selon les auteurs, 14 Hamilton A., Jay J. et Madison J., Le FĂ©dĂ©raliste 1788, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 379. L’accumulation de tous les pouvoirs, lĂ©gislatif, exĂ©cutif et judiciaire, dans les mĂȘmes mains 
 peut justement ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la vĂ©ritable dĂ©finition de la tyrannie »14. 15 Hamilton A., Jay J. et Madison J., p. 381, c’est nous qui soulignons. 16 Pour une analyse des oppositions, voy. Manin B., FrontiĂšres, freins et contrepoids la sĂ©paratio ... 13Les auteurs amĂ©ricains insistent sur le fait que l’objectif n’est pas tant la sĂ©paration hermĂ©tique entre les pouvoirs, que leur Ă©quilibre et leur interaction. Il n’est donc pas inconcevable, selon eux, qu’une mĂȘme personne ou un mĂȘme organe contribue Ă  l’exercice de plusieurs pouvoirs diffĂ©rents. Ce n’est que lorsque la totalitĂ© du pouvoir d’un dĂ©partement est exercĂ©e par les mĂȘmes mains qui possĂšdent la totalitĂ© du pouvoir d’un autre dĂ©partement, [que] les principes fondamentaux d’une Constitution libre sont renversĂ©s »15. L’équilibre des pouvoirs peut en pratique ĂȘtre atteint par le biais des checks and balances les freins et contrepoids, qui sont des mĂ©canismes structurels et institutionnels destinĂ©s Ă  Ă©viter qu’un pouvoir prennent l’ascendant sur un autre, sans pour autant requĂ©rir un cloisonnement strict16. 17 Hamilton A., Jay J. et Madison J., p. 390, c’est nous qui soulignons. [C]e que nous cherchions ce n’était pas seulement un gouvernement qui repose sur des principes libres, mais encore dont les pouvoirs soient ainsi divisĂ©s et Ă©quilibrĂ©s entre les diffĂ©rents corps de magistrature qu’aucun ne puisse dĂ©passer ses limites lĂ©gales sans ĂȘtre effectivement freinĂ© et contenu par les autres »17. 18 Wodon L., ConsidĂ©rations sur la sĂ©paration et la dĂ©lĂ©gation des pouvoirs en droit public belge, Bru ... 14Si Montesquieu n’a guĂšre dĂ©veloppĂ© cette dimension dans son Ɠuvre, il semble qu’elle ne soit pas incompatible avec sa pensĂ©e et qu’elle vient au contraire adĂ©quatement la complĂ©ter. Nous pensons en effet, avec Louis Wodon, que [c]e n’est pas tant Ă  la sĂ©paration des pouvoirs [
] que Montesquieu attache de l’importance [
] qu’à leur Ă©quilibre »18. 19 Pour une plus ample analyse, voy. Behrendt C. et Bouhon F., Introduction Ă  la thĂ©orie gĂ©nĂ©rale de l ... 20 Behrendt C. et Bouhon F., p. 165. 15Sans approfondir ici l’analyse des Federalist papers19, on peut relever que leurs auteurs distinguent les amĂ©nagements externes recours au peuple, Conseil des censeurs, qu’ils ne prĂ©conisent pas, des amĂ©nagements internes, qui reçoivent leur faveur. Ces derniers consistent en un systĂšme au sein duquel les organes auxquels est confiĂ© l’exercice d’un Pouvoir seraient en mesure d’empĂȘcher les abus Ă©ventuels d’autres organes »20. Nous verrons que c’est le parti qu’a pris l’ordre juridique belge en ce qui concerne la sĂ©paration des pouvoirs. La sĂ©paration ou l’équilibre des pouvoirs en droit belge 16La Belgique connaĂźt le principe de la sĂ©paration des pouvoirs dans son ordre juridique. Son importance et son application Ă  l’égard du pouvoir judiciaire Ă©tait dĂ©jĂ  affirmĂ©e Ă  la naissance de l’État belge ; on peut notamment lire ce qui suit dans le rapport de Raikem, prĂ©sentĂ© au CongrĂšs National de Belgique au cours des discussions sur la future Constitution 21 Huyttens É., Discussions du CongrĂšs national de Belgique 1830-1831, Bruxelles, SociĂ©tĂ© typographi ... Le projet qui vous est prĂ©sentĂ© a rĂ©tabli l’existence des trois pouvoirs 
. Ainsi, le pouvoir exĂ©cutif ne pourra pas empiĂ©ter sur les autres branches de pouvoirs. Le pouvoir judiciaire en est indĂ©pendant ; il est exercĂ© par les cours et tribunaux ; l’action du pouvoir exĂ©cutif ne commence que lorsqu’il s’agit d’exĂ©cuter leurs dĂ©cisions » 21. 22 Voy. le n° 8. 23 On peut cependant considĂ©rer qu’une conception plus rigide a pu prĂ©valoir et avoir des implications ... 24 Alen A., SĂ©paration ou collaboration des pouvoirs ? », 1990, pp. 221-236, ici p. 222 ; Le ... 25 Conclusions devant Cass., 7 mars 1963, Pas., 1963, I, p. 750. 17Si le terme sĂ©paration » est communĂ©ment utilisĂ©, il nous semble que c’est bien l’idĂ©e d’équilibre des pouvoirs, telle que nous l’avons dĂ©crite supra22, qui s’applique au Royaume23. Il est dĂšs lors admis que la rĂšgle n’a pas une valeur absolue et que des interactions entre les pouvoirs ont lieu dans une certaine mesure24. Ainsi, selon Walter Ganshof van der Meersch, la sĂ©paration des pouvoirs est un prĂ©cepte, sans valeur absolue, pour le lĂ©gislateur et pour le juge »25. 26 Ceci semble s’opposer Ă  la thĂšse de Ch. Faider, qui considĂšre que le pouvoir judiciaire est en quel ... 27 Lemmens P., The Independence of Judiciary in Belgium », in Effectiveness of judicial protection ... 18MĂȘme si la rĂšgle n’est pas consacrĂ©e explicitement par la Constitution, il est dĂ©sormais acquis qu’elle a une valeur juridique26 et peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un principe gĂ©nĂ©ral de droit27. Ceci a notamment Ă©tĂ© affirmĂ© par la Cour constitutionnelle 28 15 octobre 2015, n° 138/2015, Voy. aussi 31 mai 2011, n° 99/2011, et ... La sĂ©paration des pouvoirs est un principe gĂ©nĂ©ral de droit qui doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© conformĂ©ment au texte de la Constitution. L’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire garantie par le principe gĂ©nĂ©ral de la sĂ©paration des pouvoirs porte par consĂ©quent sur l’indĂ©pendance fonctionnelle des magistrats »28. 29 La question s’est posĂ©e de savoir si le principe avait une valeur constitutionnelle, ou seulement l ... 30 26 novembre 2011, n° 186/2009, 31 12 novembre 2011, n° 67/92, 32 22 juillet 2004, n° 136/2004, Voy. Ă©g. Rosoux G., Vers une dĂ©matĂ©rialisation » des d ... 19Ce principe, dont on a reconnu la valeur constitutionnelle29, est notamment dĂ©duit des articles 33, 36, 37, 40 et 41, alinĂ©a 1er, de la Constitution30. Bien entendu, la rĂšgle n’est pas directement invocable devant la haute juridiction, puisqu’elle ne constitue pas en tant que telle une norme de rĂ©fĂ©rence Ă  l’aune de laquelle la Cour exerce son contrĂŽle. Le principe peut toutefois ĂȘtre pris en considĂ©ration en combinaison avec les articles de la Constitution dont la Cour est la gardienne en application de sa lĂ©gislation organique31, sans prĂ©judice de la thĂ©orie de l’ensemble indissociable32. 33 Cass., 4 septembre 2014, Pas., 2014, pp. 1731-1740. 34 Cass., 8 mai 2012, comm. H. Lamont, Juristenkrant, 16 mai 2012, pp. 10 et 11. 20La Cour de cassation reconnaĂźt elle aussi la sĂ©paration des pouvoirs comme principe gĂ©nĂ©ral de droit. Elle estime d’ailleurs que la rĂšgle est d’ordre public et qu’elle est susceptible d’ĂȘtre soulevĂ©e pour la premiĂšre fois devant elle33. La haute juridiction judiciaire y voit Ă©galement une des sources du principe d’indĂ©pendance et d’impartialitĂ© du magistrat, lequel est prĂ©sumĂ©, jusqu’à preuve du contraire, [
] statuer en toute impartialitĂ©, indĂ©pendance et objectivitĂ© »34. 35 Alen A. , SĂ©paration ou collaboration des pouvoirs ? », 1990, pp. 221-236, ici pp. 231-23 ... 36 Nous pensons en particulier au principe de nomination Ă  vie et Ă  la rĂšgle d’inamovibilitĂ© des juges ... 21Un auteur belge contemporain a d’ailleurs qualifiĂ© l’indĂ©pendance judiciaire de pierre angulaire de la sĂ©paration des pouvoirs, qui certainement sur ce point conserve sa pleine signification en droit positif »35. Ainsi, alors que dans les rĂ©gimes parlementaires contemporains – tels que celui de la Belgique – la frontiĂšre entre le pouvoir lĂ©gislatif et le pouvoir exĂ©cutif se serait attĂ©nuĂ©e, la sĂ©paration entre ces deux pouvoirs et le troisiĂšme – le judiciaire – serait restĂ©e plus marquĂ©e. Ceci pourrait ĂȘtre expliquĂ© par le fait que la Constitution assure l’indĂ©pendance des juges, notamment par rapport aux autres pouvoirs, Ă  travers une sĂ©rie de rĂšgles dont les effets sont concrets36. II. RĂ©former la justice 22AprĂšs avoir rappelĂ© sommairement la portĂ©e de la notion de sĂ©paration des pouvoirs, ce qui nous a amenĂ© Ă  insister sur l’idĂ©e d’équilibre entre les pouvoirs, il convient Ă  prĂ©sent de nous demander si cet Ă©quilibre est affectĂ© – et, le cas Ă©chĂ©ant, dans quelle mesure – par les rĂ©centes rĂ©formes du systĂšme judiciaire. 37 Grandjean G. et Wildemeersch J. dir., Les juges dĂ©cideurs politiques ? Essais sur le pouvoir po ... 38 Voy. François L. et Thirion N., Les juges dans la politique », in Grandjean G. et Wildemeersch J. ... 23À cet Ă©gard, il peut ĂȘtre opportun de nous demander si l’on vit actuellement une crise de lĂ©gitimitĂ© du juge ou encore une remise en cause du rĂŽle des juridictions dans la sociĂ©tĂ© belge. Force est de constater que ces questions ne manquent pas d’ĂȘtre soulevĂ©es. On peut notamment mentionner la rĂ©cente parution d’un ouvrage collectif sur le pouvoir politique des juges37. Dans le cadre de la prĂ©sente contribution, il ne s’agira toutefois pas de dĂ©montrer que les juges exercent des fonctions politiques – d’autres auteurs ont dĂ©jĂ  brillamment traitĂ© de cette question38 – mais d’analyser, Ă  la suite des rĂ©centes rĂ©formes en matiĂšre judiciaire, la place et l’importance que revĂȘt encore le principe de sĂ©paration des pouvoirs, spĂ©cialement quant Ă  la marge d’apprĂ©ciation dont bĂ©nĂ©ficie le lĂ©gislateur pour organiser les cours et tribunaux ainsi que pour encadrer leurs missions. 24Afin de rĂ©pondre Ă  la question posĂ©e, nous tenterons de montrer qu’il existe une certaine tension entre d’une part les aspirations de la sociĂ©tĂ© actuelle, qui motivent certaines Ă©volutions des institutions judiciaires A, et d’autre part les caractĂ©ristiques irrĂ©ductibles du principe d’équilibre des pouvoirs B. Les nouveaux dĂ©fis de la justice 39 Vigour C., Justice l’introduction d’une rationalitĂ© managĂ©riale comme euphĂ©misation des enjeux ... 40 Ibidem. 25Nous remarquons que, depuis plusieurs dĂ©cennies, une aspiration nouvelle Ă©mane de l’opinion publique et du monde politique le dĂ©sir d’efficacitĂ© de la justice. Dans ce contexte, le rapport du justiciable Ă  la justice a subi une mutation profonde. Celle-ci a connu deux Ă©tapes39 un “courant modernisateur”, puis un tournant managĂ©rial »40. 41 Ibid., p. 426. 42 Voy. Jacob R., La grĂące des juges, l’institution judiciaire et le sacrĂ© en Occident, Paris, PUF, 20 ... 26Autrefois, la justice s’imposait comme une fonction rĂ©galienne spĂ©cifique »41, hĂ©tĂ©ronome et Ă©manant directement de Dieu. La justice est une machinerie, lourde, imposante et verticale. Le juge, lui, profite toujours d’une construction millĂ©naire d’aura sacrĂ©e » qui entoure son office42. Certes, on peut raisonnablement estimer que la remise en cause de l’institution judiciaire et de ses membres n’est pas neuve. De façon intemporelle, chaque procĂšs fait un heureux et un malheureux, la justice n’étant pas destinĂ©e Ă  complaire. La remise en question est toutefois marquĂ©e par une nouvelle donne Ă  partir de la seconde moitiĂ© du xxe siĂšcle. L’évolution s’attache Ă  dĂ©construire les structures, jugĂ©es complexes et archaĂŻques, dans un monde qui connaĂźt une juridicisation des comportements et une judiciarisation des conflits. Nous y reviendrons. 43 Munungu Lungungu K., Chapitre 4 le management judiciaire ou le glas de l’indĂ©pendance du juge ? ... 27Nous sommes actuellement engagĂ©s dans le second tournant. Il consiste Ă  axer la rĂ©flexion autour de l’amĂ©lioration du systĂšme judiciaire sur l’assimilation de la justice Ă  un service public, au mĂȘme titre que les autres administrations Ă©tatiques. La perspective d’un service efficace conçu au profit du justiciable-consommateur se substitue dĂšs lors Ă  l’idĂ©e de la dĂ©lĂ©gation d’un pouvoir rĂ©galien. Dans ce contexte, on peut par exemple considĂ©rer que l’arriĂ©rĂ© judiciaire, qui engendre souvent des procĂ©dures longues au point de dĂ©sespĂ©rer les concernĂ©s, est un symptĂŽme de l’inadĂ©quation entre la forte demande des justiciables et l’offre limitĂ©e que peut fournir l’État Ă  travers ses institutions. Les techniques managĂ©riales sont donc entrĂ©es dans le champ de l’activitĂ© judiciaire, au mĂȘme titre que le lexique qui leur est propre. Ainsi, on n’hĂ©site plus Ă  y parler de productivitĂ©, de rĂ©sultats, de feedback et de rationalisation des moyens43. L’exposĂ© des motifs de la loi Pot-pourri I » nous semble Ă  cet Ă©gard particuliĂšrement illustratif Le projet vise Ă  adapter le procĂšs civil aux besoins de notre Ă©poque, de sorte que les procĂ©dures se dĂ©roulent plus rapidement sans compromettre la qualitĂ© avec laquelle la justice est administrĂ©e. Tout d’abord, le droit de procĂ©dure civile est adaptĂ© afin que la Justice puisse se concentrer sur ses tĂąches essentielles et diminuer le nombre de procĂ©dures. Ces propositions ambitionnent une diminution du nombre de causes en degrĂ© d’appel ainsi qu’une diminution des affaires devant le tribunal de commerce. Ensuite, les mesures proposĂ©es visent Ă  rendre les procĂ©dures civiles plus simples et plus rationnelles grĂące Ă  l’adaptation de rĂšgles concernant les vices de forme, une motivation plus simple, un accent mis sur les Ă©lĂ©ments essentiels en cas de dĂ©faut, une limitation de l’intervention du ministĂšre public, une gĂ©nĂ©ralisation du juge unique et une informatisation de la communication au sein de la Justice. 44 Doc. parl., Chambre, sess. 2014-2015, n° 54 1219/001, p. 3. Enfin, ce projet contient Ă©galement un certain nombre de modifications urgentes concernant l’ordre judiciaire et la procĂ©dure pĂ©nale »44. 45 Verougstraete I., Comment travailler vite et bien et pour peu d'euros », 2015, p. 153. 46 Et ce sous la forme d’une satisfaction Ă©quitable » aux termes de l’article 41 de la Convention. C ... 28Sous l’impulsion de ce vƓu de rationalisation, certaines mutations de la justice sont dĂ©sormais souhaitables. Elles sont parfois imposĂ©es par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, en application des droits fondamentaux qui sont consacrĂ©s par la Convention dont elle assure le respect. L’illustration la plus Ă©clatante est certainement la notion de dĂ©lai raisonnable ». C’est prĂ©cisĂ©ment la demande d’efficacitĂ© de la justice qui a abattu le culte de la lenteur, synonyme de sĂ©rieux, que l’on prĂȘtait Ă  l’activitĂ© juridictionnelle traditionnelle45. DĂ©sormais, le non-respect d’un dĂ©lai raisonnable implique non seulement une violation de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, mais Ă©galement la responsabilitĂ© de l’État dans sa fonction de juger, au profit du justiciable lĂ©sĂ© » sans Ă©gard d’ailleurs Ă  son Ă©ventuelle culpabilitĂ©, lequel peut ensuite prĂ©tendre Ă  une rĂ©paration financiĂšre46. 29À titre d’exemple actuel de la prise en compte de ce second tournant de la justice contemporaine, on peut certainement mentionner le nouvel article 860 du Code judiciaire, tel que modifiĂ© par la loi Pot-pourri I » prĂ©citĂ©e, qui modifie le rĂ©gime des nullitĂ©s procĂ©durales pour y intĂ©grer la notion de grief. Les nullitĂ©s absolues sont assurĂ©ment les ennemies du management. Si la justice est un service public dont l’objectif est l’efficacitĂ©, comment encore justifier que le non-respect de normes purement formelles, sans aucune incidence sur le principe du contradictoire ou de l’égalitĂ© des armes, puissent entacher la procĂ©dure au point de la dĂ©clarer nulle ? Il ne paraĂźt dĂšs lors plus opportun de tolĂ©rer ces technicalities, pour reprendre le terme anglais. D’autre part, l’équilibre des pouvoirs n’impose pas leur existence. Par consĂ©quent, ce point de rĂ©forme rejoint les aspirations actuelles sans empiĂ©ter sur la sĂ©paration des pouvoirs. Le noyau dur de l’équilibre des pouvoirs 30Face au mouvement que nous venons d’évoquer se dresse toujours le principe d’équilibre des pouvoirs, principe gĂ©nĂ©ral de droit. Nul besoin de faire preuve de perspicacitĂ© pour apercevoir la tension potentielle entre ce principe et la conception managĂ©riale de la justice qui peut avoir tendance Ă  la rĂ©duire Ă  une administration comme les autres. 31En effet, les aspirations actuelles, si louables qu’elles soient, ne peuvent pas tout justifier. Pour que soit respectĂ© le principe d’équilibre des pouvoirs, l’objectif d’efficacitĂ© de la justice doit composer avec plusieurs axiomes juridiques. Ainsi, le pouvoir judiciaire, dans la droite ligne des thĂ©ories de Publius, doit rester un contrepouvoir afin de prĂ©server l’État de droit et notamment de garantir aux individus l’effectivitĂ© des droits fondamentaux. Pour ce faire, il convient Ă  tout le moins de veiller au maintien de caractĂ©ristiques invariables et propres Ă  la justice, Ă  savoir l’indĂ©pendance des juges et le principe selon lequel les individus doivent pouvoir accĂ©der Ă  un tribunal pour qu’y soient tranchĂ©s les diffĂ©rends juridiques qui les concernent. Le premier trait est inhĂ©rent au principe de sĂ©paration des pouvoirs et tend finalement Ă  garantir des jugements impartiaux ; le second est tout aussi fondamental puisque son absence impliquerait que le pouvoir judiciaire pourrait ĂȘtre privĂ© de ses missions, comme rĂ©sultat d’une disparition du contentieux. 47 Voy. n° 9. 32Ces quelques Ă©lĂ©ments constituent des balises qui sont utiles pour examiner la conformitĂ© de mesures concrĂštes au principe de sĂ©paration ou d’équilibre des pouvoirs. Elles permettent de tracer la limite de la marge de manƓuvre du lĂ©gislateur dans le domaine judiciaire. En effet, pour autant que l’on accorde une portĂ©e juridique effective au principe de sĂ©paration des pouvoirs, ce qui s’impose en droit belge47, on doit en dĂ©duire que certaines rĂ©formes pourraient ĂȘtre inconstitutionnelles parce qu’elles affectent ledit principe. DĂšs lors, l’existence d’une volontĂ© du lĂ©gislateur ne suffit pas Ă  rendre admissible toute rĂ©forme du systĂšme judiciaire. À titre d’exemple, nul n’imagine qu’une mesure qui consisterait Ă  attribuer au gouvernement fĂ©dĂ©ral un droit de veto sur les dĂ©cisions de la Cour de cassation puisse prĂ©tendre respecter l’équilibre des pouvoirs et, partant, la Constitution. Dans cette perspective, la suite de notre rĂ©flexion se propose de contribuer Ă  dĂ©terminer la mesure dans laquelle le principe de l’équilibre des pouvoirs peut constituer un argument valable pour s’opposer Ă  certaines mesures lĂ©gislatives. III. Concilier les antagonismes 48 La loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procĂ©dure civile et portant des dispositions div ... 33Nous proposons de traiter la tension que nous venons de dĂ©crire Ă  travers l’examen de trois problĂ©matiques concrĂštes, dont le choix est inspirĂ© par les rĂ©centes rĂ©formes du pouvoir judiciaire belge, juridiquement concrĂ©tisĂ©es par les lois pots-pourris » 48. Pour chacune d’entre elles, nous verrons que l’on peut soit mettre l’accent sur la recherche d’efficacitĂ©, soit favoriser le respect d’une conception stricte de la sĂ©paration des pouvoirs. Nous Ă©voquerons ainsi successivement les dichotomies entre contrĂŽle et principe d’indĂ©pendance A, entre judiciarisation et accĂšs au juge B puis entre devoir de rĂ©serve et contrepouvoir C. Nous tenterons de montrer que ces tendances ne sont pas nĂ©cessairement irrĂ©ductibles et qu’il est parfois possible de concilier des objectifs a priori antagonistes, Ă  condition notamment de privilĂ©gier une vision souple de l’équilibre des pouvoirs. ContrĂŽle versus IndĂ©pendance 49 Vigour C., Justice l’introduction d’une rationalitĂ© managĂ©riale comme euphĂ©misation des enjeux ... 34On a vu que le principe d’équilibre des pouvoirs contenait notamment le principe d’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire. Cette indĂ©pendance, dont la principale finalitĂ© consiste Ă  garantir une justice impartiale, peut-elle s’accommoder d’une forme de contrĂŽle exercĂ© sur le pouvoir judiciaire ? Nous pensons que le principe d’équilibre des pouvoirs ne l’interdit pas d’une maniĂšre absolue et appelle au contraire Ă  ce que chaque pouvoir subisse une forme de surveillance. Certes, un contrĂŽle d’ampleur, qui impliquerait la soumission du pouvoir judiciaire, serait inadmissible car elle le priverait de sa facultĂ© d’agir. À l’inverse, toutefois, l’absence de tout contrĂŽle ouvrirait la porte Ă  l’arbitraire judiciaire. DĂšs lors, si l’idĂ©e d’un contrĂŽle du travail du magistrat est considĂ©rĂ©e comme souhaitable49, on ne perdra pas de vue qu’un contrĂŽle invasif de son activitĂ© ne pourrait ĂȘtre conciliĂ© avec le concept d’équilibre des pouvoirs. 50 RĂ©vision de la Constitution du 20 novembre 1998, 24 novembre 1998. 51 Krings E., ConsidĂ©rations sur l’État de droit, la sĂ©paration des pouvoirs et le pouvoir judiciaire, ... 35En vertu de l’article 151 de la Constitution, insĂ©rĂ© en 1998 dans le contexte de l’affaire Dutroux50, le pouvoir judiciaire et les juges sont dĂ©sormais sous l’autoritĂ© – plus ou moins contraignante – du Conseil supĂ©rieur de la Justice. Il serait toutefois inexact de penser que les juges n’ont Ă©tĂ© soumis Ă  aucune forme de contrĂŽle entre la naissance du pays et l’introduction de cette disposition constitutionnelle. Le Procureur gĂ©nĂ©ral Krings signalait Ă  juste titre en 1989 qu’une surveillance du pouvoir judiciaire Ă©tait organisĂ©e par la Constitution dĂšs 1831 ; il mentionnait Ă  cet Ă©gard l’obligation de motiver article 97 de la Constitution de 1831, la publicitĂ© des audiences articles 96 et 97 et l’existence de la Cour de cassation article 95 ainsi que la possibilitĂ© pour le Procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation de se pourvoir dans l’intĂ©rĂȘt de la loi51. On relĂšve cependant que ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments constituent avant tout les rouages d’un systĂšme d’autocontrĂŽle du pouvoir judiciaire, dont la Cour de cassation est la piĂšce maĂźtresse. Les dysfonctionnements ponctuels de la justice dans des dossiers marquants – on songe notamment Ă  l’affaire Fortis – auxquels s’ajoute la demande d’efficacitĂ© mentionnĂ©e prĂ©cĂ©demment ont finalement amenĂ© Ă  considĂ©rer ces mĂ©canismes comme insuffisants. 52 La loi du 1er dĂ©cembre 2013 portant rĂ©forme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code ju ... 53 Philips C., La gestion autonome pour l’organisation judiciaire atteinte au principe de la sĂ©par ... 36L’importante rĂ©forme opĂ©rĂ©e en 2013-2014 doit ĂȘtre examinĂ©e dans ce contexte. À travers deux lois importantes, il s’agissait de rationaliser et de simplifier le paysage judiciaire52 et notamment de rendre les juges responsables de la gestion des moyens de fonctionnement gĂ©nĂ©raux qui leur sont allouĂ©s »53. 54 Ibidem. 55 De Leval G., Le printemps de la justice - Actes du colloque du 27 fĂ©vrier 2015 organisĂ© par l’Uni ... 56 Cadelli M., Tribune judiciaire – La gestion autonome des entités judiciaires bienvenue en Ocea ... 57 Voy. Pironnet Q., Droit et dystopies », 2016/2, vol. 77, pp. 363-392. 37Cette rĂ©forme a parfois Ă©tĂ© critiquĂ©e de façon vĂ©hĂ©mente, au motif qu’elle instaurerait une vĂ©ritable tutelle » d’un pouvoir sur l’autre, en l’espĂšce de l’exĂ©cutif sur le judiciaire. L’introduction des contrats de gestion, qui dĂ©terminent les enveloppes financiĂšres allouĂ©es par le Ministre de la Justice aux diffĂ©rents corps de magistrats en se basant notamment sur une Ă©valuation des performances des acteurs judiciaires, a tout spĂ©cialement suscitĂ© des inquiĂ©tudes en rĂ©fĂ©rence au principe de sĂ©paration des pouvoirs. ClĂ©mence Philips observe ainsi que c’est l’exĂ©cutif qui aura la maĂźtrise des contrats de gestion et des moyens de fonctionnement, ainsi que le pouvoir d’annuler des dĂ©cisions prises par les collĂšges »54. Georges de Leval y voit quant Ă  lui un pouvoir de direction et de contrĂŽle du pouvoir exĂ©cutif sur une forme de “politique judiciaire” »55. On a Ă©tĂ© jusqu’à juger qu’à l’instar du systĂšme imaginĂ© par G. Orwell, la force de ce systĂšme est de contrĂŽler la pensĂ©e et d’évincer la contradiction »56. Cette utilisation d’école d’un argument ad dystopia57 nous montre les rĂ©ticences farouches du monde judiciaire Ă  l’égard de cette rĂ©forme. 58 15 octobre 2015, n° 138/2015. 38Si l’inquiĂ©tude, face Ă  un risque d’empiĂ©tement du pouvoir exĂ©cutif sur le pouvoir judiciaire, paraĂźt lĂ©gitime, nous constatons que la Cour constitutionnelle n’a pas condamnĂ© l’évolution lĂ©gislative. À l’occasion d’un arrĂȘt du 15 octobre 201558, la haute juridiction a examinĂ© la constitutionnalitĂ© de la loi du 18 fĂ©vrier 2014 relative Ă  l’introduction d’une gestion autonome pour l’organisation judiciaire avec les principes gĂ©nĂ©raux de la sĂ©paration des pouvoirs et de l’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire. Le rĂ©sultat est sans appel tous les motifs d’annulation tirĂ©s du principe de sĂ©paration des pouvoirs ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme non fondĂ©s. Cela signifie que la Cour constitutionnelle laisse au lĂ©gislateur une marge d’apprĂ©ciation importante lorsqu’il entreprend des rĂ©formes judiciaires, mĂȘme si celles-ci affectent dans une certaine mesure les rapports entre les pouvoirs. 39La rĂ©cente rĂ©forme soulĂšve aussi l’épineuse question de l’autonomie budgĂ©taire du pouvoir judiciaire, qui entretient Ă©galement des liens avec la rĂ©flexion sur l’équilibre des pouvoirs. La dĂ©pendance financiĂšre s’analyse en effet comme une forme de lien de subordination. Une fois encore, il s’agit d’une question de balance et d’équilibres. Dans cette perspective, il nous semble possible de repĂ©rer deux balises pertinentes pour prĂ©ciser les limites du dĂ©bat. 40D’une part, la Cour constitutionnelle a pu juger qu’ 59 15 octobre 2015, n° 138/2015, Ă  obs. F. Georges, La Cour constitutionnelle avali ... [a]ucune disposition constitutionnelle ou conventionnelle ne prĂ©voit que le pouvoir judiciaire doive disposer d’une autonomie financiĂšre et budgĂ©taire. Pareille obligation ne saurait davantage ĂȘtre dĂ©duite du principe gĂ©nĂ©ral de la sĂ©paration des pouvoirs ... La circonstance que d’autres institutions sont financĂ©es au moyen d’une dotation n’oblige pas le lĂ©gislateur Ă  financer le pouvoir judiciaire par une dotation »59. 60 Texte disponible Ă  l’adresse suivante 61 Gilliaux P., Le droit Ă  un tribunal indĂ©pendant et le management dans le procĂšs Ă©quitable », Rev. ... 41D’autre part, un sous-financement significatif de la justice, qui entraĂźnerait un affaiblissement du pouvoir judiciaire au point qu’il ne pourrait plus constituer un contrepouvoir violerait le principe gĂ©nĂ©ral de sĂ©paration des pouvoirs. Pascal Gilliaux rappelle Ă  cet Ă©gard, citant la Magna Carta des juges du Conseil consultatif des juges europĂ©ens60, que l’indĂ©pendance des cours et tribunaux doit ĂȘtre assurĂ©e d’un point de vue statutaire, fonctionnel et financier », admettant toutefois que le dernier mot revient aux États, en vertu du principe de subsidiaritĂ©61. 42En dĂ©finitive, on peut penser que la Cour constitutionnelle ne censurerait une rĂšgle qui affecte le budget de la justice que si elle constatait que la mesure induisait une mise sous tutelle du pouvoir judiciaire par l’autoritĂ© politique. En dehors de cette hypothĂšse, le lĂ©gislateur peut prendre des dĂ©cisions qui touchent au financement de la justice sans enfreindre l’équilibre des pouvoirs ; au regard de la jurisprudence constitutionnelle, sa marge d’apprĂ©ciation paraĂźt – ici aussi – assez large. Juridiciarisation versus AccĂšs au juge 62 Hubert G., Les dĂ©placements des frontiĂšres de la justice vers une nouvelle cartographie de la g ... 63 Ibidem. 64 Ibidem. 43Le mouvement qui secoue la sociĂ©tĂ© belge contemporaine – et europĂ©enne en gĂ©nĂ©ral – est un mouvement profond et repĂ©rable. C’est ce que GaĂ«lle Hubert appelle le double processus de juridicisation et judiciarisation du lien social »62. D’une part, on assiste Ă  une montĂ©e en puissance de l’entrĂ©e du droit dans tous les domaines de la vie sociale. Des problĂšmes intrafamiliaux au droit de la consommation de masse, il n’est aucun pan des relations humaines qui ne doive dĂ©sormais faire l’objet de son corpus normatif propre. L’idĂ©e de l’absence de cadre juridique, assimilable Ă  une peur du chaos dĂ©structurant, devient insupportable Ă  l’ĂȘtre humain contemporain, ce qui, par le repli sur les textes et les procĂ©dures, [permet] de se dĂ©gager de ses responsabilitĂ©s ou de faire porter sur les cadres juridiques et techniques le poids de dĂ©cisions peu agrĂ©ables Ă  prendre »63. D’autre part, et corrĂ©lativement, la demande de rĂšglement des litiges, quels qu’ils soient, devant une instance judiciaire, ne cesse de croĂźtre et on assiste Ă  une explosion du judiciaire »64. Le juge est davantage sollicitĂ©, cependant qu’il dispose Ă  bien des Ă©gards toujours des mĂȘmes moyens et prĂ©rogatives qu’autrefois. Face Ă  ce constat, deux voies sont thĂ©oriquement envisageables la premiĂšre – qui n’est sans doute pas assez suivie – consiste Ă  augmenter l’offre judiciaire, en renforçant le cadre de la magistrature et les outils dont elle dispose pour mener ses missions, afin de s’adapter Ă  la croissance de la demande. La seconde se focalise davantage sur la demande et, Ă  dĂ©faut de pouvoir la rĂ©duire, cherche Ă  la dĂ©vier en dĂ©veloppant des moyens alternatifs de rĂ©solution des litiges. 65 Le droit Ă  l’accĂšs Ă  un juge est un des droits les plus fondamentaux tirĂ©s l’article 6 sa ... 66 Voy. aussi en ce sens Muller F., La Cour de cassation belge Ă  l'aune des rapports entre pouvoirs ... 44Face Ă  cette derniĂšre tendance, se pose la question du droit Ă  l’accĂšs Ă  un tribunal. Il y a en effet lieu de se demander s’il n’est pas portĂ© atteinte Ă  ce droit Ă  chaque fois qu’une prĂ©rogative est soustraite aux juges judiciaires pour ĂȘtre confiĂ©e Ă  une autre instance, surtout si celle-ci est davantage soumise Ă  l’influence potentielle du pouvoir exĂ©cutif. Le droit d’accĂ©der Ă  un juge est certes explicitement consacrĂ© notamment par l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme65, mais il est aussi intrinsĂšquement liĂ© Ă  l’équilibre des pouvoirs, dont il contribue Ă  assurer l’effectivitĂ©. En effet, le pouvoir judiciaire, aussi indĂ©pendant et impartial qu’il puisse ĂȘtre, n’a de rĂŽle effectif que si, par la disposition des choses, on lui assure que, dans une certaine mesure au moins, le contentieux lui est rĂ©servĂ©. En tout Ă©tat de cause, un particulier doit ĂȘtre en mesure de faire valoir en justice ses prĂ©tentions. À cet Ă©gard, les articles 144 et 145 de la Constitution fixent les tĂąches dĂ©volues aux cours et tribunaux, qui ne peuvent en ĂȘtre dĂ©possĂ©dĂ©s, en raison de la sĂ©paration des pouvoirs66. C’est la raison de l’interrogation suivante dans quelle mesure le droit Ă  l’accĂšs au juge limite-t-il la marge de manƓuvre du lĂ©gislateur dans ses projets qui visent Ă  rĂ©agir Ă  la judiciarisation ? 45À cet Ă©gard, les diffĂ©rentes lois dites Pots-pourri », dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es, constituent un terrain pertinent pour des analyses concrĂštes et actuelles. Trois types de mesures nous semblent particuliĂšrement intĂ©ressantes et retiendront notre attention dans les lignes qui suivent. 67 Voy. Berthe A., L’injonction de payer, Bruxelles, Larcier, Ă  paraĂźtre en 2017. 46En premier lieu, nous pensons Ă  la dĂ©volution aux huissiers de justice du traitement des crĂ©ances non contestĂ©es. L’article 519, §1er, 1°bis, du Code judiciaire, qui concerne les missions des huissiers de justice a Ă©tĂ© modifiĂ© par la loi Pot-pourri I » afin d’y intĂ©grer Le recouvrement des dettes d’argent non contestĂ©es conformĂ©ment au chapitre Iquinquies du titre 1er de la cinquiĂšme partie ». Si l’on mesure bien l’intĂ©rĂȘt pratique de cette rĂ©forme, qui favorise une rĂ©duction de l’arriĂ©rĂ© judiciaire et facilite la rĂ©cupĂ©ration de sommes dues67, nous pensons qu’elle soulĂšve la question de l’accĂšs au juge en raison de l’inversement du contentieux et du report corrĂ©latif dans le temps de l’éventuelle contestation du dĂ©biteur. La matiĂšre n’est pas encore mise en Ɠuvre mais il est Ă©vident que l’éventuelle friction avec le principe de l’équilibre des pouvoirs et l’accĂšs au juge tiendra Ă  la dĂ©finition et Ă  l’apprĂ©ciation du caractĂšre contestĂ© » ou non des crĂ©ances visĂ©es. 68 Article 216bis du Code d’instruction criminelle, tel que modifiĂ© par la loi du 14 avril 2011 ... 69 2 juin 2016, n° 83/2016, 47En second lieu, on peut pointer le cas de la transaction pĂ©nale. On rappelle qu’une loi de 2011 a Ă©tendu le champ d’application et revu les modalitĂ©s de la transaction pĂ©nale, mĂ©canisme qui permet au Parquet de dĂ©cider de mettre fin, dans certains cas, Ă  des poursuites – c’est-Ă -dire d’éteindre l’action publique – Ă  la condition qu’une somme d’argent soit versĂ©e par l’auteur de faits punissables au TrĂ©sor public68. Il y a, dans cette mesure, une forme de justice nĂ©gociĂ©e, puisque le concernĂ© reçoit une offre du MinistĂšre public qui, s’il l’accepte et paie le montant proposĂ© dans le dĂ©lai imparti, le dispense de subir un procĂšs dont l’issue est incertaine. La Cour constitutionnelle, appelĂ©e Ă  examiner ce mĂ©canisme, a cependant considĂ©rĂ© qu’on ne pouvait pas admettre que le rĂŽle du juge soit confinĂ© Ă  un simple contrĂŽle de lĂ©galitĂ©69. Selon la haute juridiction, il s’agit d’une atteinte au principe du procĂšs Ă©quitable et la disposition lĂ©gale est dĂšs lors dĂ©clarĂ©e inconstitutionnelle. 70 Article 216 du Code d’instruction criminelle, tel que modifiĂ© par la loi du 5 fĂ©vrier 2016 1 ... 71 Voy. not. Cour eur. dr. h., Natsvlishvili et Togonidze c. GĂ©orgie, 29 avril 2014, 48Enfin, Ă  titre de troisiĂšme illustration, nous proposons d’évoquer la dĂ©claration prĂ©alable de culpabilitĂ©. Cette procĂ©dure semble s’inspirer de la technique du plaider coupable » guilty plea qui est rĂ©pandue dans le droit anglo-saxon. Le nouveau systĂšme belge permet au Procureur du Roi, pour un grand nombre d’infractions, de proposer des peines infĂ©rieures Ă  celles qu’il estime devoir requĂ©rir Ă  l’égard d’un suspect ou d’un prĂ©venu qui reconnaĂźt dans une dĂ©claration officielle qu’il est coupable des faits qui lui sont imputĂ©s70. Quand cette technique est utilisĂ©e, le juge du fond doit certes encore intervenir, mais sa tĂąche se borne Ă  homologuer l’accord conclu entre le Parquet et l’auteur des faits punissables, aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© s’il satisfait Ă  certaines conditions. MalgrĂ© les rĂ©ticences qu’il suscite, ce systĂšme, qui existe depuis longtemps dans les pays de common law, ne viole pas, du moins dans son principe, la Convention europĂ©enne des droits de l’homme71. La limite de ce qui est juridiquement acceptable serait franchie s’il n’existait aucun recours effectif Ă  un juge compĂ©tent pour vĂ©rifier si le justiciable a, en pleine connaissance de cause, marquĂ© son consentement sur cette procĂ©dure raccourcie. Dans cette hypothĂšse, en effet, le Parquet – qui peut ĂȘtre soumis Ă  une certaine influence du pouvoir exĂ©cutif – pourrait inflĂ©chir seul le contentieux dĂ©volu au pouvoir judiciaire, ce qui porterait atteinte Ă  l’équilibre des pouvoirs. Devoir de rĂ©serve versus Contrepouvoir 49AprĂšs l’analyse des deux antagonismes prĂ©cĂ©dents, il convient de revenir Ă  notre rĂ©fĂ©rence initiale, faite au discours tĂ©lĂ©visĂ© retentissant du Premier PrĂ©sident de la Cour de cassation. Quel serait l’intĂ©rĂȘt de mettre en exergue ces potentielles violations de l’équilibre des pouvoirs si les premiers concernĂ©s par les rĂ©formes judiciaires Ă©taient contraints au silence ? Cet Ă©quilibre des pouvoirs resterait lettre morte si un certain droit Ă  la parole n’existait pour chacun d’entre eux. Ceci nous mĂšne par consĂ©quent Ă  notre troisiĂšme antagonisme, intrinsĂšquement liĂ© aux deux premiers. Si l’on prend comme repĂšre le principe de l’équilibre des pouvoirs, il s’agit de maintenir le pouvoir judiciaire en position de contrepouvoir, pouvant le cas Ă©chĂ©ant s’exprimer contre des rĂ©formes initiĂ©es par les pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif. Si, en revanche, on vise prioritairement l’efficacitĂ© de la justice, il s’agit peut-ĂȘtre de contrĂŽler la libertĂ© d’expression des juges et de leurs reprĂ©sentants, au nom d’une conception strict de leur devoir de rĂ©serve. 72 Cass. ass. gĂ©n., 9 septembre 1999, Pas., 1999, I, p. 1102, citĂ© par Kuty F., Le devoir de rĂ©ser ... 50On analyse classiquement le devoir de rĂ©serve comme un principe qui prescrit au juge de s’abstenir de tout acte ou comportement de nature Ă  Ă©branler la confiance du justiciable ou Ă  donner l’impression qu’il ne serait plus indĂ©pendant ou impartial »72. Contrairement au mandataire politique, Ă©lu par la population et dĂ©positaire, Ă  ce titre, d’une lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique, le magistrat est vu, on l’a dit, comme la bouche de la loi ». À cet Ă©gard, il doit se garder d’entrer dans l’arĂšne. 73 Kuty F., op. cit., p. 269. 51Il importe de ne pas confondre la violation du devoir de rĂ©serve avec l’obligation d’impartialitĂ© du juge, sur laquelle nous reviendrons. Celle-ci est inhĂ©rente, on l’a vu, au principe gĂ©nĂ©ral de droit de sĂ©paration des pouvoirs. Le droit de rĂ©serve est plutĂŽt Ă  apprĂ©cier comme une prĂ©caution de prudence que le juge se doit de maintenir en toute circonstance, qu’il soit ou non dans l’exercice de sa fonction de juger. Toutefois, ceci dĂ©pend des propos tenus, du contexte et du moment auquel ils ont Ă©tĂ© exprimĂ©s »73. 74 Cadelli M., Du devoir de rĂ©serve des magistrats aux vertus d’indignation et de courage », 2 ... 75 Mandoux P. et Vandermeersch D., Le point de vue du magistrat », in Le devoir de rĂ©serve l’expre ... 52La tension est rĂ©sumĂ©e par les questions suivantes. À partir de quel moment le droit de rĂ©serve cĂšde-t-il devant la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server l’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire, prĂ©rogative nĂ©cessaire Ă  son rĂŽle de contrepouvoir ? Peut-on considĂ©rer qu’il existe Ă  l’opposĂ© du devoir de rĂ©serve un droit d’indignation » du magistrat74, ou un devoir d’intervention »75 ? 76 Cour eur. dr. h., Koudechkina c. Russie, 26 fĂ©vrier 2009. 77 Delgrange X. et Lagasse N., La libertĂ© d’expression du juge Comment descendre de sa tour d’ivoi ... 53La Cour europĂ©enne des droits de l’homme a prononcĂ© Ă  cet Ă©gard un arrĂȘt intĂ©ressant en 200976. En l’espĂšce, il s’agissait d’un magistrat russe, Mme Koudechkina, rĂ©voquĂ©e de la magistrature en 2004 au motif qu’elle avait accusĂ© publiquement des hauts magistrats d’exercer des pressions sur elle au sujet d’une importante affaire pĂ©nale. La Cour rappelle que les magistrats bĂ©nĂ©ficient bel et bien de la protection de l’article 10 de la Convention – consacrant la libertĂ© d’expression –, qui s’étend Ă  la sphĂšre professionnelle, tout en rappelant que la divulgation d’informations obtenues dans le cadre de leur travail, mĂȘme sur des questions d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, doit toujours ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e Ă  la lumiĂšre de leur devoir de loyautĂ© et de discrĂ©tion. La Russie est donc condamnĂ©e pour la rĂ©vocation du magistrat, sanction jugĂ©e trop sĂ©vĂšre, et de nature Ă  avoir un “effet inhibiteur” sur les juges souhaitant participer au dĂ©bat public sur le fonctionnement des institutions judiciaires »77. 78 Guide pour les magistrats, approuvĂ© par l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil consultatif de la magistrat ... 54Dans le prolongement de cette ouverture europĂ©enne, le Guide pour les magistrats, adoptĂ© en 2012 par le Conseil supĂ©rieur de la Justice, contient en son point 4 concernant la rĂ©serve et la discrĂ©tion du magistrat la mention suivante [l]orsque la dĂ©mocratie et les libertĂ©s fondamentales sont en pĂ©ril, la rĂ©serve cĂšde devant le droit d’indignation »78. On sait toutefois que ce texte n’a qu’un poids tout relatif et s’apparente Ă  de la soft law. 55Le pouvoir arrĂȘtant le pouvoir » de Montesquieu, les freins et contrepoids de Publius, nous amĂšnent Ă  voir d’un bon Ɠil la facultĂ© d’autoriser l’exception au devoir de rĂ©serve. La sortie mĂ©diatique du Premier PrĂ©sident de la Cour de cassation, Ă  cet Ă©gard, relĂšve selon nous de cette facultĂ©. Conclusion 79 Proc. gĂ©n. F. Dumon, Le Pouvoir Judiciaire. Cet inconnu et ce mĂ©connu », op. cit., pp. 457-474. 56Le principe de la sĂ©paration des pouvoirs n’est pas un simple objet de design institutionnel ; il s’agit d’une rĂšgle fondamentale pleinement dirigĂ©e vers l’intĂ©rĂȘt de la sociĂ©tĂ© et des individus qui la composent. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la rĂšgle contribue Ă  assurer l’effectivitĂ© des libertĂ©s face au risque d’abus de l’autoritĂ© publique ; dans le domaine particulier de la justice, elle est le socle de l’indĂ©pendance judiciaire qui, Ă  son tour, est un vecteur indispensable de l’impartialitĂ© et donc de la jouissance effective des droits et libertĂ©s. Pour ces raisons, les atteintes qui sont portĂ©es au principe sont suspectes et suscitent des craintes lĂ©gitimes. En effet, [n]ier la rĂ©alitĂ© de la sĂ©paration des Pouvoirs, spĂ©cialement en ce qui concerne le Pouvoir judiciaire, c’est nier l’existence de la justice »79. 57Le principe en cause ne doit cependant pas ĂȘtre compris comme un obstacle Ă  toute rĂ©forme du systĂšme judiciaire ou comme un moyen de justifier la stagnation des institutions. D’une part, la rĂšgle n’a pas la portĂ©e absolue qu’on lui prĂȘte parfois plutĂŽt qu’une sĂ©paration – au sens strict du terme –, elle impose un Ă©quilibre des pouvoirs, c’est-Ă -dire un systĂšme institutionnel oĂč il existe des mĂ©canismes de contrĂŽle mutuels aptes Ă  empĂȘcher l’arbitraire. À ce titre, il ne semble donc pas indispensable de rechercher Ă  ce que le pouvoir judiciaire bĂ©nĂ©ficie d’une autonomie parfaite et radicale par rapport aux autres pouvoirs. D’autre part, la volontĂ© d’atteindre des objectifs qui sont lĂ©gitimes – car utiles Ă  l’intĂ©rĂȘt collectif – peut contribuer Ă  justifier certains Ă©carts par rapport Ă  l’idĂ©al incarnĂ© par une sĂ©paration stricte des pouvoirs ; ce peut notamment ĂȘtre le cas du vƓu politique de renforcer l’efficacitĂ© du systĂšme judiciaire, spĂ©cialement pour faire face Ă  la demande croissante des justiciables. 58Il convient donc d’apprĂ©cier les rĂ©formes avec mesure en recourant, comme souvent, au principe de proportionnalitĂ©. L’équilibre des pouvoirs peut survivre Ă  des rĂšgles qui libĂšrent les juges de certaines tĂąches afin qu’ils puissent mieux se concentrer sur leurs missions essentielles ; il succombe en revanche Ă  celles qui, en dĂ©finitive, reviennent Ă  priver le justiciable de la possibilitĂ© d’accĂ©der Ă  un juge impartial pour trancher tout litige relatif Ă  des droits civils. Haut de page Notes 1 De Mulder V., La Belgique se rapproche d’un État voyou, pour le plus haut magistrat du pays », 15 mai 2016, disponible Ă  l’adresse suivante consultĂ© le 1er janvier 2017. 2 Somers P., Le printemps de la justice - Actes du colloque du 27 fĂ©vrier 2015 organisĂ© par l’Union professionnelle de la Magistrature », Ius & Actores, 2015/2, p. 10. 3 Pariente A. dir., La sĂ©paration des pouvoirs – ThĂ©orie contestĂ©e et pratique renouvelĂ©e, Paris, Dalloz, p. 3. 4 Voy. en particulier le chapitre 12 du DeuxiĂšme TraitĂ©. 5 Locke J., Deux traitĂ©s de gouvernement civil 1690, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1997, p. 219. 6 Locke J., p. 220. 7 Montesquieu, p. 206. 8 Ibid., p. 208. 9 Ibid., p. 216. 10 Ibid., p. 212. 11 Lambert E., Le Gouvernement des juges, Paris, Giard, 1921, pp. 4-5. 12 Voy. le titre VIII de la Constitution de la RĂ©publique française. 13 DelpĂ©rĂ©e F., La sĂ©paration des pouvoirs, aujourd’hui », 1990, p. 126. 14 Hamilton A., Jay J. et Madison J., Le FĂ©dĂ©raliste 1788, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 379. 15 Hamilton A., Jay J. et Madison J., p. 381, c’est nous qui soulignons. 16 Pour une analyse des oppositions, voy. Manin B., FrontiĂšres, freins et contrepoids la sĂ©paration des pouvoirs dans le dĂ©bat constitutionnel amĂ©ricain de 1787 », Revue française de science politique, n°2, 1994, pp. 257-293. 17 Hamilton A., Jay J. et Madison J., p. 390, c’est nous qui soulignons. 18 Wodon L., ConsidĂ©rations sur la sĂ©paration et la dĂ©lĂ©gation des pouvoirs en droit public belge, Bruxelles, AcadĂ©mie Royale de Belgique, 1942, p. 19. 19 Pour une plus ample analyse, voy. Behrendt C. et Bouhon F., Introduction Ă  la thĂ©orie gĂ©nĂ©rale de l’État - Manuel, 3e Ă©d., Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 161-166. 20 Behrendt C. et Bouhon F., p. 165. 21 Huyttens É., Discussions du CongrĂšs national de Belgique 1830-1831, Bruxelles, SociĂ©tĂ© typographique belge, Tome IV, PiĂšce justificative n° 53, p. 68. C’est nous qui soulignons. 22 Voy. le n° 8. 23 On peut cependant considĂ©rer qu’une conception plus rigide a pu prĂ©valoir et avoir des implications concrĂštes considĂ©rables. On peut ainsi se rappeler que c’est au nom de cette conception mĂ©taphysique du pouvoir souverain » en trois personnes qui travestissait et les idĂ©es de Montesquieu et l’esprit de la Constitution que les Cours et Tribunaux belges avaient consacrĂ© la thĂ©orie de l’immunitĂ© de la puissance publique, du Pouvoir ExĂ©cutif, de l’Administration » Philippart R., SĂ©paration des Pouvoirs - discours prononcĂ© Ă  la sĂ©ance solennelle de rentrĂ©e de la ConfĂ©rence libre du Jeune Barreau de LiĂšge, LiĂšge, Imp. H. Vaillant-Carmanne S. A., 16 novembre 1946, p. 7. 24 Alen A., SĂ©paration ou collaboration des pouvoirs ? », 1990, pp. 221-236, ici p. 222 ; Lemmens P., The Independence of Judiciary in Belgium », in Effectiveness of judicial protection and the constitutional order. Belgian report at the II International Congress of Procedural Law, Deventer, Kluwer, 1983, pp. 49-82, ici p. 51. 25 Conclusions devant Cass., 7 mars 1963, Pas., 1963, I, p. 750. 26 Ceci semble s’opposer Ă  la thĂšse de Ch. Faider, qui considĂšre que le pouvoir judiciaire est en quelque sorte infĂ©odĂ© aux deux autres, qui sont prĂ©pondĂ©rants F. Muller, La Cour de cassation belge Ă  l'aune des rapports entre pouvoirs de sa naissance dans le modĂšle classique de la sĂ©paration des pouvoirs Ă  l'aube d'une extension de la fonction juridictionnelle, Bruges, La Charte, 2011, p. 287. 27 Lemmens P., The Independence of Judiciary in Belgium », in Effectiveness of judicial protection and the constitutional order. Belgian report at the II International Congress of Procedural Law, Deventer, Kluwer, 1983, pp. 49-82, ici pp. 49 et s. ; W. Ganshof van der Meersch, Propos sur le texte de la loi et les principes gĂ©nĂ©raux du droit », 1970, pp. 557-573 et 581-596, ici pp. 583-584 28 15 octobre 2015, n° 138/2015, Voy. aussi 31 mai 2011, n° 99/2011, et 24 mars 2016, n° 48/2016, la sĂ©paration des pouvoirs n’autorise [
] toutefois le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal Ă  modifier rĂ©troactivement l’ordre juridique sans qu’il soit dĂ©montrĂ© qu’il existe des circonstances exceptionnelles ou des motifs impĂ©rieux d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ». 29 La question s’est posĂ©e de savoir si le principe avait une valeur constitutionnelle, ou seulement lĂ©gislative. La seconde hypothĂšse implique que le lĂ©gislateur peut lui-mĂȘme dĂ©roger au principe qui ne s’impose pas Ă  lui. Cette conception semble ĂȘtre celle que la Section de lĂ©gislation du Conseil d’État a exprimĂ©e en 1989 il est indĂ©niable que la sĂ©paration des pouvoirs est l’un des fondements de notre systĂšme institutionnel, et singuliĂšrement de la rĂ©partition des fonctions de l’État entre des pouvoirs qui, l’un par rapport Ă  l’autre, sont dotĂ©s chacun d’une certaine autonomie dans l’exercice des fonctions de lĂ©gislation, d’administration et de juridiction. 
 C’est 
 au lĂ©gislateur qu’il appartient, en premier lieu, avec la reprĂ©sentativitĂ© dans laquelle il puise sa lĂ©gitimitĂ© finale, de dĂ©terminer la portĂ©e prĂ©cise en droit positif du principe de la sĂ©paration des pouvoirs, compte tenu des nĂ©cessitĂ©s du prĂ©sent et des conceptions prĂ©dominantes » Avis du 3 octobre 1989, Doc. Parl., Ch. repr., 1988-89, n° 675/2, points et La Cour constitutionnelle et la Cour de cassation ont en revanche affirmĂ© le caractĂšre constitutionnel du principe voir not. 3 avril 2014, n° 57/2014, et Cass., 22 mai 1987, Pas., I, p. 1177. Avec d’autres auteurs, nous pensons aussi que [l]a sĂ©paration des pouvoirs est un principe constitutionnel. Son sens et sa portĂ©e ne peuvent donc se dĂ©duire que de la Constitution elle-mĂȘme et non des dĂ©cisions nouvelles que prendrait le Pouvoir lĂ©gislatif. Ce principe constitutionnel signifie, nĂ©cessairement, Ă  peine de le vider de sa substance, que le Pouvoir lĂ©gislatif ne possĂšde par une suprĂ©matie’ 
 Ă  l’égard du Pouvoir judiciaire qui lui permettrait de contrĂŽler celui-ci’ » Ganshof van der Meersch W., Delange R., Dumon F. et Charles R., À propos de l’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire », 1990, pp. 423-426. 30 26 novembre 2011, n° 186/2009, 31 12 novembre 2011, n° 67/92, 32 22 juillet 2004, n° 136/2004, Voy. Ă©g. Rosoux G., Vers une dĂ©matĂ©rialisation » des droits fondamentaux ? Convergence des droits fondamentaux dans une protection fragmentĂ©e, Ă  la lumiĂšre du raisonnement du juge constitutionnel belge, thĂšse LiĂšge, 2014, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 148-164. 33 Cass., 4 septembre 2014, Pas., 2014, pp. 1731-1740. 34 Cass., 8 mai 2012, comm. H. Lamont, Juristenkrant, 16 mai 2012, pp. 10 et 11. 35 Alen A. , SĂ©paration ou collaboration des pouvoirs ? », 1990, pp. 221-236, ici pp. 231-232. Pour le dire autrement [d]e scheiding der machten betekent eerst en vooral dat men het recht heeft op een onpartijdige en onafhankelijke rechter die door de wet is aangesteld. » Interview de M. Storme, Juristenkrant, 14 janvier 2009, p. 8. Voy. aussi DelpĂ©rĂ©e F., Propos sur la justice, ici et lĂ  », in Liber Amicorum Prof. Em. E. Krings, Bruxelles, Story-Scientia, 1991, pp. 531-539, ici p. 531. Le mĂȘme auteur, dans une autre contribution, affirme que la doctrine de la sĂ©paration des pouvoirs est essentiellement conçue comme le moyen de garantir l’indĂ©pendance des cours et tribunaux » DelpĂ©rĂ©e F., La sĂ©paration des pouvoirs, aujourd’hui », 1990, pp. 126-131, ici pp. 126-127. 36 Nous pensons en particulier au principe de nomination Ă  vie et Ă  la rĂšgle d’inamovibilitĂ© des juges article 152 de la Constitution, mais aussi au fait que le traitement des juges est fixĂ© par la loi article 154 de la Constitution et que des rĂšgles d’incompatibilitĂ© sont imposĂ©es article 155 de la Constitution. 37 Grandjean G. et Wildemeersch J. dir., Les juges dĂ©cideurs politiques ? Essais sur le pouvoir politiques des juges dans l’exercice de leur fonction, Bruxelles, Bruylant, 2016, 371 p. 38 Voy. François L. et Thirion N., Les juges dans la politique », in Grandjean G. et Wildemeersch J. dir., Les juges dĂ©cideurs politiques ? Essais sur le pouvoir politiques des juges dans l’exercice de leur fonction, Bruxelles, Bruylant, 2016, pp. 53-77. 39 Vigour C., Justice l’introduction d’une rationalitĂ© managĂ©riale comme euphĂ©misation des enjeux politiques », Droit et sociĂ©tĂ©, 2/2006 n°63-64, p. 429. 40 Ibidem. 41 Ibid., p. 426. 42 Voy. Jacob R., La grĂące des juges, l’institution judiciaire et le sacrĂ© en Occident, Paris, PUF, 2014, 516 p. 43 Munungu Lungungu K., Chapitre 4 le management judiciaire ou le glas de l’indĂ©pendance du juge ? un Ă©clairage de droit constitutionnel », in Le management judiciaire ou le glas de l'indĂ©pendance du juge ? Un Ă©clairage de droit constitutionnel, Rev. Dr. ULB, 2014, n° 41, p. 126. 44 Doc. parl., Chambre, sess. 2014-2015, n° 54 1219/001, p. 3. 45 Verougstraete I., Comment travailler vite et bien et pour peu d'euros », 2015, p. 153. 46 Et ce sous la forme d’une satisfaction Ă©quitable » aux termes de l’article 41 de la Convention. Celle-ci est calculĂ©e en Ă©quitĂ©, en fonction de l'ensemble des circonstances pertinentes, mais consiste en pratique en une forme de rĂ©paration intĂ©grale Sohier J., L’action en responsabilitĂ© contre des pouvoirs publics à porter devant les juridictions judiciaires ou, depuis 2014, devant le conseil d’État ? », 2015, n°15138. 47 Voy. n° 9. 48 La loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procĂ©dure civile et portant des dispositions diverses en matiĂšre de justice, 22 octobre 2015, dite pot-pourri I » dĂ©nomination dont nous ferons usage ci-aprĂšs ; la loi du 5 fĂ©vrier 2016 modifiant le droit pĂ©nal et la procĂ©dure pĂ©nale et portant des dispositions diverses en matiĂšre de justice 19 fĂ©vrier 2016, dite pot-pourri II » dĂ©nomination dont nous ferons usage ci-aprĂšs ; la loi du 4 mai 2016 relative Ă  l’internement et Ă  diverses dispositions en matiĂšre de Justice, 13 mai 2016, dite pot-pourri III » dĂ©nomination dont nous ferons usage ci-aprĂšs ; La loi du 25 dĂ©cembre 2016 modifiant le statut juridique des dĂ©tenus et la surveillance des prisons et portant des dispositions diverses en matiĂšre de justice, 30 dĂ©cembre 2016, dite pot-pourri IV » dĂ©nomination dont nous ferons usage ci-aprĂšs. 49 Vigour C., Justice l’introduction d’une rationalitĂ© managĂ©riale comme euphĂ©misation des enjeux politiques », Droit et sociĂ©tĂ©, 2/2006 n°63-64, p. 432. 50 RĂ©vision de la Constitution du 20 novembre 1998, 24 novembre 1998. 51 Krings E., ConsidĂ©rations sur l’État de droit, la sĂ©paration des pouvoirs et le pouvoir judiciaire, Bruxelles, Bruylant, 1989, pp. 30-31. 52 La loi du 1er dĂ©cembre 2013 portant rĂ©forme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilitĂ© des membres de l’ordre judiciaire, 12 dĂ©cembre 2013 ; et la loi du 18 fĂ©vrier 2014 relative Ă  l’introduction d’une gestion autonome pour l’organisation judiciaire, 4 mars 2014. 53 Philips C., La gestion autonome pour l’organisation judiciaire atteinte au principe de la sĂ©paration des pouvoirs ? », Bulletin social & juridique, avril 2014, p. 2. 54 Ibidem. 55 De Leval G., Le printemps de la justice - Actes du colloque du 27 fĂ©vrier 2015 organisĂ© par l’Union professionnelle de la Magistrature », Ius & Actores, 2015/2, p. 69. 56 Cadelli M., Tribune judiciaire – La gestion autonome des entités judiciaires bienvenue en Oceania », 2014, p. 795. 57 Voy. Pironnet Q., Droit et dystopies », 2016/2, vol. 77, pp. 363-392. 58 15 octobre 2015, n° 138/2015. 59 15 octobre 2015, n° 138/2015, Ă  obs. F. Georges, La Cour constitutionnelle avalise dans une trĂšs large mesure la rĂ©forme “Turtelboom” », 2015, pp. 1789-1792. 60 Texte disponible Ă  l’adresse suivante 61 Gilliaux P., Le droit Ă  un tribunal indĂ©pendant et le management dans le procĂšs Ă©quitable », Rev. dr. 2014/1-2, p. 86. 62 Hubert G., Les dĂ©placements des frontiĂšres de la justice vers une nouvelle cartographie de la gestion des risques ? », Pyramides [En ligne], 11/2006, disponible Ă  l’adresse suivante consultĂ© le 17 janvier 2017, p. 7. C’est l’auteur qui souligne. 63 Ibidem. 64 Ibidem. 65 Le droit Ă  l’accĂšs Ă  un juge est un des droits les plus fondamentaux tirĂ©s l’article 6 sans lequel la Convention cesserait d’ĂȘtre effective arrĂȘt Golder du 21 fĂ©vrier 1975. On en dĂ©duit Ă©galement le droit pour un justiciable sans moyens de disposer de l’assistance judiciaire arrĂȘt Airey du 9 octobre 1979 ou le droit d’obtenir l’exĂ©cution des jugements prononcĂ©s arrĂȘt Hornsby du 1er avril 1998. 66 Voy. aussi en ce sens Muller F., La Cour de cassation belge Ă  l'aune des rapports entre pouvoirs de sa naissance dans le modĂšle classique de la sĂ©paration des pouvoirs Ă  l'aube d'une extension de la fonction juridictionnelle, Bruges, La Charte, 2011, pp. 45 et s. À toutes fins utiles, nous rappelons que les articles 144 et 145 de la Constitution attribuent aux cours et tribunaux toutes contestations qui ont pour objet des droits civils, sans possibilitĂ© pour le lĂ©gislateur de dĂ©roger Ă  cette rĂšgle, ainsi que les contestations qui ont pour objet des droits politiques, sauf – dans ce second cas – les exceptions Ă©tablies par la loi. 67 Voy. Berthe A., L’injonction de payer, Bruxelles, Larcier, Ă  paraĂźtre en 2017. 68 Article 216bis du Code d’instruction criminelle, tel que modifiĂ© par la loi du 14 avril 2011 6 mai 2011. Cette disposition doit cependant ĂȘtre lue Ă  la lumiĂšre de l’arrĂȘt n° 83/2016 de la Cour constitutionnelle, qui met partiellement en cause le systĂšme. 69 2 juin 2016, n° 83/2016, 70 Article 216 du Code d’instruction criminelle, tel que modifiĂ© par la loi du 5 fĂ©vrier 2016 19 fĂ©vrier 2016. 71 Voy. not. Cour eur. dr. h., Natsvlishvili et Togonidze c. GĂ©orgie, 29 avril 2014, 72 Cass. ass. gĂ©n., 9 septembre 1999, Pas., 1999, I, p. 1102, citĂ© par Kuty F., Le devoir de rĂ©serve du magistrat dans ses relations avec la presse », 2005, p. 268. 73 Kuty F., op. cit., p. 269. 74 Cadelli M., Du devoir de rĂ©serve des magistrats aux vertus d’indignation et de courage », 2013, pp. 297-305. 75 Mandoux P. et Vandermeersch D., Le point de vue du magistrat », in Le devoir de rĂ©serve l’expression censurĂ©e ?, coll. Les Cahiers de l’Institut d’études sur la Justice, n° 5, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 44. 76 Cour eur. dr. h., Koudechkina c. Russie, 26 fĂ©vrier 2009. 77 Delgrange X. et Lagasse N., La libertĂ© d’expression du juge Comment descendre de sa tour d’ivoire en demeurant au-dessus de la mĂȘlĂ©e ? », in Englebert J. dir., Questions de droit judiciaire inspirĂ©es de l’ Affaire Fortis », Bruxelles, Larcier, 2011, p. 218. 78 Guide pour les magistrats, approuvĂ© par l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil consultatif de la magistrature le 25 juin 2012 et approuvĂ© par l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil supĂ©rieur de la Justice le 27 juin 2012, disponible Ă  l’adresse suivante 79 Proc. gĂ©n. F. Dumon, Le Pouvoir Judiciaire. Cet inconnu et ce mĂ©connu », op. cit., pp. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier FrĂ©dĂ©ric Bouhon et Quentin Pironnet, Le pouvoir judiciaire et l’équilibre des pouvoirs rĂ©flexions Ă  propos des rĂ©centes rĂ©formes », Pyramides, 29 2017, 93-118. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique FrĂ©dĂ©ric Bouhon et Quentin Pironnet, Le pouvoir judiciaire et l’équilibre des pouvoirs rĂ©flexions Ă  propos des rĂ©centes rĂ©formes », Pyramides [En ligne], 29 2017, mis en ligne le 01 fĂ©vrier 2019, consultĂ© le 17 aoĂ»t 2022. URL de page Suite Ă  la construction d'un ouvrage, le constructeur peut ĂȘtre tenu responsable Ă  l'Ă©gard du maĂźtre de l'ouvrage et ce, Ă  travers trois garanties lĂ©gales la garantie de parfait achĂšvement, la garantie de bon fonctionnement et la garantie dĂ©cennale. Sa responsabilitĂ© contractuelle de droit commun peut Ă©galement ĂȘtre responsabilitĂ© des constructeurs englobe de nombreux concepts rĂ©ception des travaux, ouvrage, assurance 
 Êtes-vous certain d'ĂȘtre Ă  jour concernant ces diffĂ©rentes notions ? A travers cet article, Unlatch vous propose les clĂ©s nĂ©cessaires pour comprendre les Ă©lĂ©ments essentiels liĂ©s Ă  la responsabilitĂ© des constructeurs. La notion de l'ouvrageIl est nĂ©cessaire de dĂ©terminer ce qu'est un ouvrage car il s'agit du concept central sur lequel reposent les garanties lĂ©gales pesant sur le constructeur. Toutefois, aucune disposition lĂ©gale ne dĂ©finit cette le dictionnaire Larousse, un ouvrage est le produit du travail de l'artisan ou de l'artiste ». Du fait des articles 1792 et suivants du Code civil, il semble incontestable d'assimiler un ouvrage au domaine de la construction de biens raison d'un flou juridique, de nombreuses dĂ©cisions de justice se sont attelĂ©s Ă  identifier ce qu'est un ouvrage. En effet, un large contentieux se dessine autour de cette notion. Parmi les Ă©lĂ©ments caractĂ©risant un ouvrage, se trouvent l'importance ou non des travaux de construction plus les travaux effectuĂ©s sont importants et consĂ©quents, plus ils pourront s'apparenter Ă  un ouvrage. Il peut en ĂȘtre de mĂȘme pour des opĂ©rations qui affectent la structure d'un autre condition de l'immobilisation il s'agit de vĂ©rifier si les travaux rĂ©alisĂ©s sont incorporĂ©s au sol ou Ă  un autre bien immobilier. Dans ce cas, les travaux peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un ouvrage. En effet, si la construction rĂ©alisĂ©e dispose de fondations suffisantes ou si elle est dĂ©finitivement assemblĂ©e Ă  un autre bien immobilier, elle sera qualifiĂ©e d' critĂšre de la construction cela peut paraĂźtre Ă©vident mais un ouvrage doit nĂ©cessairement se rĂ©fĂ©rer Ă  des travaux de construction. En outre, lorsqu'il s'agit de la construction totale d'un bĂątiment, il s'agira effectivement d'un ouvrage. Cependant, la question peut se poser dans l'hypothĂšse d'opĂ©rations rĂ©alisĂ©es sur un ouvrage qui Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sent. Le juge peut appliquer ces Ă©lĂ©ments cumulativement ou non. Les critĂšres Ă©tablis par la jurisprudence ne sont pas exhaustifs et peuvent s'appliquer pour une situation et pas obligatoirement pour une autre. La dĂ©termination d'un ouvrage se fait au cas par cas. Les travaux de rĂ©novation peuvent Ă©galement entrer dans le champ d'application des garanties lĂ©gales, s'ils sont considĂ©rĂ©s comme des exemple, la TroisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait jugĂ© que l'installation d'un climatiseur sous la forme d'une armoire verticale raccordĂ©e Ă  des conduits et des rĂ©seaux d'air en tĂŽle galvanisĂ©e placĂ©s entre deux sous-plafonds suspendus, [
] ne relevait pas des travaux de bĂątiment ou de gĂ©nie civil », ce qui ne pouvait donc pas ĂȘtre assimilĂ©e Ă  un ouvrage Civ. 3Ăšme, n° 10 dĂ©cembre 2003. Au contraire, elle a considĂ©rĂ© que l'installation d'une climatisation, en raison notamment de son ampleur et l'emprunt de ses Ă©lĂ©ments Ă  la construction immobiliĂšre » Ă©tait constitutive d'un ouvrage Civ. 3Ăšme, n° 28 janvier 2009.Les travaux de rĂ©novation peuvent Ă©galement entrer dans le champ d'application des garanties lĂ©gales, s'ils sont considĂ©rĂ©s comme des consĂ©quent, il est difficile de dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment les caractĂ©ristiques permettant d'Ă©tablir si les travaux rĂ©alisĂ©s correspondent ou non Ă  un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du Code civil. Il paraĂźt donc indispensable de se rĂ©fĂ©rer Ă  la jurisprudence afin de s'assurer que les travaux opĂ©rĂ©s sont bien constitutifs d'un maĂźtre de l'ouvrage Le maĂźtre de l'ouvrage correspond Ă  toute personne physique ou morale qui, agissant en qualitĂ© de propriĂ©taire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriĂ©taire de l'ouvrage, fait rĂ©aliser des travaux de construction » article du Code des assurances.Le constructeur de l'ouvrage Il est Ă©galement essentiel de caractĂ©riser quelle personne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un 1792-1 du Code civil prĂ©cise qu'un constructeur de l'ouvrage peut ĂȘtre Un architecte, un entrepreneur, un technicien ou toute autre personne liĂ©e au maĂźtre de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;Une personne qui vend, aprĂšs achĂšvement, un ouvrage qu'elle a construit ou qu'elle a fait construire ;Une personne qui accomplit une mission assimilable Ă  celle d'un locateur d'ouvrage entreprise qui rĂ©alise des travaux suite Ă  la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage.A titre informatif, l'article 1710 du Code civil dĂ©finit le contrat de louage d'ouvrage comme un contrat par lequel l'une des parties s'engage Ă  faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ». Ainsi, il s'agit du contrat liant le constructeur et le maĂźtre de l' responsabilitĂ© du constructeur Le constructeur est tenu d'une obligation de rĂ©sultat Ă  l'Ă©gard du maĂźtre de l'ouvrage par exemple Civ. 3Ăšme, n° 16 juin 2015. De ce fait, le constructeur doit parvenir au rĂ©sultat dĂ©terminĂ© dans le contrat. Dans le cas contraire, sa responsabilitĂ© pourra ĂȘtre automatiquement afin d'Ă©viter tout conflit, le constructeur doit ĂȘtre vigilant et bien respecter les obligations qui pĂšsent sur lui, dans le cadre de la construction d'un ouvrage. En effet, il peut engager sa responsabilitĂ© sur plusieurs fondements, selon le type de dommage survenu. Les trois garanties lĂ©gales des articles 1792 et suivants du Code civil La rĂ©ception des travaux constitue le point de dĂ©part pour engager la responsabilitĂ© d'un constructeur au sens des articles 1792 et suivants du Code civil. A ce titre, il existe trois types de garanties lĂ©gales qui pĂšsent sur le constructeur d'un ouvrage La garantie de parfait achĂšvement selon l'article 1792-6 du Code civil, cette garantie, d'une durĂ©e d'un an, s'Ă©tend Ă  la rĂ©paration de tous les dĂ©sordres signalĂ©s par le maĂźtre de l'ouvrage, soit au moyen de rĂ©serves mentionnĂ©es au procĂšs-verbal de rĂ©ception, soit par voie de notification Ă©crite pour ceux rĂ©vĂ©lĂ©s postĂ©rieurement Ă  la rĂ©ception ». Seul l'entrepreneur est tenu de cette garantie. La garantie de bon fonctionnement ou la garantie biennale cette garantie permet d'assurer les Ă©lĂ©ments d'Ă©quipement dissociables de l'ouvrage et ce, pendant un dĂ©lai de deux ans article 1792-3 du Code civil. La garantie dĂ©cennale cette garantie englobe les dommages compromettant la soliditĂ© de l'ouvrage ou qui le rendent impropre Ă  sa destination article 1792 du Code civil. Comme son nom l'indique, le dĂ©lai pour invoquer cette garantie est de 10 ans. Dans le cadre de ces trois garanties, la responsabilitĂ© du constructeur est prĂ©sumĂ©e. Le maĂźtre de l'ouvrage doit uniquement dĂ©montrer la prĂ©sence de dĂ©sordres et leur lien avec les travaux opĂ©rĂ©s, sans avoir Ă  apporter la preuve d'une quelconque faute du constructeur. En effet, les articles 1792 et suivants du Code civil Ă©tablissent un rĂ©gime spĂ©cifique de responsabilitĂ© sans faute Ă  l'encontre du constructeur d'un ouvrage. Ces garanties sont Ă©tablies par la loi. Par consĂ©quent, le contrat de louage d'ouvrage ne peut les exclure ou limiter leur portĂ©e article 1792-5 du Code civil.Le constructeur est partiellement ou totalement exonĂ©rĂ© uniquement dans de rares cas, notamment en cas de force majeure ou en cas de faute du maĂźtre de l'ouvrage article 1792 du Code civil.Le dĂ©lai des trois garanties lĂ©gales citĂ©es prĂ©cĂ©demment ont le mĂȘme point de dĂ©part la rĂ©ception des travaux. Cependant, il est concevable qu'un dommage survienne avant la rĂ©ception des travaux par exemple vol de matĂ©riauxSi un dommage apparaĂźt et que le maĂźtre de l'ouvrage a conclu plusieurs contrats avec diffĂ©rents constructeurs et ce, pour la construction d'ouvrages distincts, le maĂźtre de l'ouvrage devra alors vĂ©rifier quel constructeur Ă©tait en charge de l'ouvrage endommagĂ© pour engager sa responsabilitĂ© par exemple, C. cass., Civ. 3Ăšme, n° 23 fĂ©vrier 2017.Avant la rĂ©ception des travaux Le dĂ©lai des trois garanties lĂ©gales citĂ©es prĂ©cĂ©demment ont le mĂȘme point de dĂ©part la rĂ©ception des travaux. Cependant, il est concevable qu'un dommage survienne avant la rĂ©ception des travaux par exemple vol de matĂ©riaux. Le maĂźtre de l'ouvrage pourra alors invoquer l'article 1788 du Code civil disposant que si, dans le cas oĂč l'ouvrier fournit la matiĂšre, la chose vient Ă  pĂ©rir, de quelque maniĂšre que ce soit, avant d'ĂȘtre livrĂ©e, la perte en est pour l'ouvrier, Ă  moins que le maĂźtre ne fĂ»t en demeure de recevoir la chose ». Par consĂ©quent, le constructeur est celui qui prendra en charge les risques survenus au niveau de sa construction avant la rĂ©ception des travaux. Il devra donc rĂ©parer les dommages occasionnĂ©s. Il ne peut donc Ă©chapper Ă  cette obligation sauf s'il Ă©tablit que l'ouvrage Ă©tait terminĂ© et que le maĂźtre de l'ouvrage en avait connaissance. Le dĂ©lai de prescription pour agir est de 5 ans, Ă  compter du jour oĂč le maĂźtre de l'ouvrage a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de l'exercer article 2224 du Code civil.La responsabilitĂ© contractuelle de droit commun aprĂšs la rĂ©ception des travaux Il est possible qu'aucune garantie lĂ©gale ne soit invocable en raison de l'expiration du dĂ©lai ou du fait de son inapplicabilitĂ© face Ă  un dĂ©sordre. Toutefois, le maĂźtre de l'ouvrage peut toujours invoquer la responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du constructeur, au titre du contrat de louage d'ouvrage les liant. Dans ce cas, le maĂźtre de l'ouvrage doit apporter la preuve du dommage subi, de la faute du constructeur et du lien de causalitĂ© entre le dommage et la faute, pour engager la responsabilitĂ© contractuelle dudit constructeur. Ainsi, les rĂšgles de droit commun s'appliquent dans cette situation. Le dĂ©lai de prescription pour la responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du constructeur est de dix ans Ă  compter de la rĂ©ception des travaux, comme pour la garantie dĂ©cennale article 1792-4-3 du Code civil.Toutefois, le dĂ©lai de prescription est de cinq ans pour les dĂ©sordres apparus avant la rĂ©ception des travaux ou en cas de dol du constructeur article 2224 du Code civil et par exemple, Civ. 3Ăšme, n° 25 mars 2014. De mĂȘme, la TroisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a prĂ©cisĂ© que lorsqu'un dommage relĂšve d'une des trois garanties lĂ©gales, le maĂźtre de l'ouvrage ne peut invoquer la responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du constructeur. Il doit agir sur le fondement de la garantie lĂ©gale concernĂ©e Civ. 3Ăšme, n° 13 avril 1988.A titre de prĂ©cision, un tiers peut Ă©galement engager la responsabilitĂ© du constructeur, s'il a Ă©tĂ© victime d'un dommage. Du fait qu'aucun contrat ne lie le tiers et le constructeur, il s'agira donc de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle de ce dernier qui sera invoquĂ©e, rĂ©gie par les articles 1240 et suivants du Code civil. La charge de la preuve du prĂ©judice subi pĂšse sur le tiers. La garantie de livraison dans le cadre de la construction d'une maison individuelle Cette garantie ne s'applique que dans l'hypothĂšse de la construction d'une maison individuelle. L'article du Code de la construction et de l'habitation dispose que cette garantie couvre le maĂźtre de l'ouvrage, Ă  compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexĂ©cution ou de mauvaise exĂ©cution des travaux prĂ©vus au contrat, Ă  prix et dĂ©lais convenus ».A cet effet, le constructeur de la maison individuelle est tenu de souscrire Ă  une telle garantie, puisqu'il doit le justifier dans le contrat conclu avec le maĂźtre de l'ouvrage article k du Code de la construction et de l'habitation.L'article du Code de la construction et de l'habitation dĂ©taille la mise en Ɠuvre de cette garantie lorsque le constructeur est dĂ©faillant, le maĂźtre de l'ouvrage doit lui adresser une mise en demeure de s'exĂ©cuter. Puis, si la situation persiste quinze jours aprĂšs l'envoi de la mise en demeure, le garant sera alors tenu de prendre en charge la fin des travaux. Il devra alors dĂ©signer un autre constructeur afin d'achever ces travaux. Le garant peut ĂȘtre une compagnie d'assurance ou une rĂ©ception des travauxAux termes de l'article 1792-6 du Code civil, la rĂ©ception des travaux est l'acte par lequel le maĂźtre de l'ouvrage dĂ©clare accepter l'ouvrage avec ou sans rĂ©serves. Elle intervient Ă  la demande de la partie la plus diligente, soit Ă  l'amiable, soit Ă  dĂ©faut judiciairement. Elle est, en tout Ă©tat de cause, prononcĂ©e contradictoirement ». Comme indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, il s'agit du point de dĂ©part des trois garanties parfait achĂšvement, biennale et dĂ©cennale pesant sur un constructeur, suite Ă  la rĂ©alisation d'un rĂ©ception est Ă©tablie contradictoirement cela signifie que le maĂźtre de l'ouvrage et le constructeur doivent tous deux constater qu'il y a bien eu rĂ©ception des rĂšgle gĂ©nĂ©rale, le maĂźtre de l'ouvrage est celui qui effectue la rĂ©ception des travaux, pour que cette derniĂšre soit valable. Un tiers peut le faire Ă  sa place. Mais, il doit dĂ©tenir un mandat qui a Ă©tĂ© expressĂ©ment donnĂ© Ă  ce titre par le maĂźtre de l'ouvrage. Une rĂ©ception unique par lots La Cour de cassation souligne le fait qu'il doit s'agir d'une rĂ©ception unique, c'est-Ă -dire qu'elle ne peut avoir lieu qu'aprĂšs la rĂ©alisation de tous les ouvrages devant ĂȘtre effectuĂ©s aux termes du contrat de louage d'ouvrage. En effet, ce principe d'unicitĂ© de la rĂ©ception des travaux est rappelĂ© dans un arrĂȘt de la TroisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation en date du 2 fĂ©vrier 2017 Civ. 3Ăšme, n° 02 fĂ©vrier 2017.Toutefois, il est possible qu'il y ait plusieurs rĂ©ceptions dans l'hypothĂšse de travaux multiples. En outre, la rĂ©ception partielle par lots n'est pas prohibĂ©e par la loi », selon l'arrĂȘt du 16 novembre 2010 de la TroisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation Civ. 3Ăšme, n°10-10,828, 16 novembre 2010. Ainsi, il peut y avoir une rĂ©ception par lots, sous rĂ©serve que le contrat de louage d'ouvrage le prĂ©voit. Il faut tout de mĂȘme rester vigilant car la Cour de cassation a bien prĂ©cisĂ© qu'une rĂ©ception partielle Ă  l'intĂ©rieur d'un mĂȘme lot » n'est pas possible Civ. 3Ăšme, n° 02 fĂ©vrier 2017. Si le procĂšs-verbal ne fait mention d'aucune rĂ©serve, le maĂźtre de l'ouvrage est rĂ©putĂ© avoir acceptĂ© ces vices apparents et ne pourra donc pas invoquer la responsabilitĂ© du constructeurLes rĂ©serves lors de la rĂ©ception des travaux et le procĂšs-verbal de rĂ©ception Lors d'une rĂ©ception amiable des travaux, il est indispensable d'ĂȘtre vigilant et de vĂ©rifier que le contrat a bien Ă©tĂ© respectĂ©. Un procĂšs-verbal de rĂ©ception est Ă©tabli. Il existe deux hypothĂšses lors de la rĂ©ception des travaux Certaines malfaçons ont Ă©tĂ© relevĂ©es par le maĂźtre de l'ouvrage. Ces malfaçons correspondent Ă  des dĂ©fauts apparents de construction ou des dĂ©sordres constatĂ©s. Dans ce cas, il faut impĂ©rativement que ces observations soient indiquĂ©es dans le procĂšs-verbal de rĂ©ception, sous forme de rĂ©serves. Le constructeur sera alors dans l'obligation de rĂ©parer ces malfaçons. Dans le cas contraire, si le procĂšs-verbal ne fait mention d'aucune rĂ©serve, le maĂźtre de l'ouvrage est rĂ©putĂ© avoir acceptĂ© ces vices apparents et ne pourra donc pas invoquer la responsabilitĂ© du constructeur Ă  ce propos que ce soit sa responsabilitĂ© au titre d'une garantie lĂ©gale ou sa responsabilitĂ© contractuelle de droit commun. Aucun dĂ©faut apparent n'a Ă©tĂ© relevĂ© par le maĂźtre de l'ouvrage. Le procĂšs-verbal ne fera alors mention d'aucune rĂ©serve. Par ailleurs, l'article du Code de la construction et de l'habitation prĂ©cise que si le maĂźtre de l'ouvrage n'Ă©tait pas assistĂ© par un professionnel habilitĂ© lors de la rĂ©ception des travaux, il peut, par lettre recommandĂ©e avec accusĂ© de rĂ©ception dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consĂ©cutive Ă  la rĂ©ception, dĂ©noncer les vices apparents qu'il n'avait pas signalĂ©s lors de la rĂ©ception afin qu'il y soit remĂ©diĂ© ... ». Cette disposition s'applique pour la construction d'une maison titre informatif, il est envisageable qu'aprĂšs la rĂ©ception des travaux, le maĂźtre de l'ouvrage constate un dĂ©sordre cachĂ©. De toute Ă©vidence, il pourra alors invoquer l'une des garanties lĂ©gales Ă  l'encontre du constructeur, si le dĂ©sordre entre dans le champ d'application desdites garanties. Dans cette hypothĂšse, il faut que le dĂ©faut ait Ă©tĂ© constatĂ© aprĂšs la rĂ©ception des travaux. De mĂȘme, il doit ĂȘtre Ă©tabli que ce dĂ©sordre ne pouvait ĂȘtre dĂ©celĂ© lors de la rĂ©ception. En cas d'usure normale ou d'usage de l'ouvrage, les garanties ne s'appliquent pas article 1792-6 du Code civil.Il est Ă  noter qu'en cas de rĂ©serves signalĂ©es dans le procĂšs-verbal de rĂ©ception, une partie du prix peut ĂȘtre consignĂ©e auprĂšs d'un tiers qui conservera la somme jusqu'Ă  la levĂ©e des rĂ©serves. Cela permet Ă  l'acquĂ©reur d'obtenir la rĂ©paration des dĂ©fauts constatĂ©s mais cela assure Ă©galement le vendeur d'obtenir la totalitĂ© du consignation du prix est prĂ©vue dans certains cas Lors de la construction d'une maison individuelle, un certain pourcentage du prix est exigible en fonction de l'avancĂ©e des travaux. Dans l'hypothĂšse de rĂ©serves mentionnĂ©es dans le procĂšs-verbal de rĂ©ception, une somme au plus Ă©gale Ă  5% du prix convenu peut ĂȘtre consignĂ©e jusqu'Ă  la levĂ©e des rĂ©serves article R*231-7 du Code de la construction et de l'habitation. Le constructeur devra effectuer les d'une vente en l'Ă©tat futur d'achĂšvement VEFA, le prix est payĂ© au fur et Ă  mesure de l'avancĂ©e des travaux. La consignation du prix est Ă©galement possible jusqu'Ă  5% du prix, lors de la livraison du bien immobilier, en cas de contestation sur la conformitĂ© dudit bien avec les prĂ©visions contractuelles article du Code de la construction et de l'habitation. Le vendeur sera alors tenu de procĂ©der aux rĂ©parations pour rĂ©cupĂ©rer le solde du prix. Dans les autres types de contrats, la consignation doit ĂȘtre prĂ©vue dans les stipulations contractuelles. En effet, elle doit rĂ©sulter d'un commun accord entre les diffĂ©rents types de rĂ©ception des travaux La rĂ©ception est un acte contradictoire, selon l'article 1792-6 du Code civil. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la rĂ©ception des travaux se fait amiablement entre le maĂźtre de l'ouvrage et le constructeur. NĂ©anmoins, une rĂ©ception tacite des travaux est concevable. Non prĂ©vue dans l'article 1792-6 du Code civil, la jurisprudence n'y est nĂ©anmoins pas opposĂ©e. Dans ce cas, il faut pouvoir Ă©tablir que le maĂźtre de l'ouvrage faisait preuve d'une volontĂ© non Ă©quivoque » d'accepter les travaux. La Cour de cassation a de ce fait, considĂ©rĂ© que la seule prise de possession de l'ouvrage ne permettait pas de prouver qu'il y avait bien eu une rĂ©ception des travaux Civ. 3Ăšme, n° 06 mai 2015.Les parties du contrat de louage d'ouvrage peuvent prĂ©voir que la rĂ©ception des travaux se fera tacitement. Il est toutefois conseillĂ© d'effectuer une rĂ©ception Ă  l'amiable afin d'Ă©viter un conflit ultĂ©rieur sur le bien-fondĂ© de la rĂ©ception tacite et sur la date Ă  laquelle elle a eu lieu. En effet, le fait qu'il y ait eu rĂ©ception tacite ou non s'Ă©tablit au cas par ailleurs, il existe la possibilitĂ© d'effectuer une rĂ©ception judiciaire des travaux. L'article 1792-6 du Code civil dispose Ă  cet effet que la rĂ©ception intervient Ă  la demande de la partie la plus diligente, soit Ă  l'amiable, soit Ă  dĂ©faut judiciairement ». Dans l'hypothĂšse dans laquelle l'une des parties refuse d'effectuer une rĂ©ception Ă  l'amiable, la rĂ©ception judiciaire est possible, lorsque les travaux sont en Ă©tat d'ĂȘtre reçus Civ. 3Ăšme, n° 12 octobre 2017. La question de l'assurance dans le cadre de la garantie dĂ©cennaleLe maĂźtre de l'ouvrage et le constructeur sont tous deux tenus de souscrire Ă  une assurance afin de pouvoir rapidement faire face aux rĂ©parations, en cas de dommages. A cet effet, les articles et du Code des assurances Ă©noncent cette obligation, respectivement pour le constructeur et le maĂźtre de l'ouvrage. La souscription Ă  l'assurance est obligatoire dans le cadre de la garantie dĂ©cennale. Pour le maĂźtre de l'ouvrage, il s'agira de l'assurance dommages-ouvrage. Pour le constructeur, celui-ci devra souscrire Ă  une assurance de responsabilitĂ© civile cas de conflit entre le maĂźtre de l'ouvrage et le constructeur, les parties doivent d'abord tenter de le rĂ©soudre cas de dĂ©sordres, l'assureur du maĂźtre de l'ouvrage prendra en charge le financement pour la rĂ©paration des dommages constatĂ©s et entrant dans le champ d'application de la garantie dĂ©cennale. Puis, l'assureur se retournera ensuite contre le constructeur assurances expirent conjointement avec la garantie dĂ©cennale. Pour autant, le point de dĂ©part n'est pas le mĂȘme Pour l'assurance de responsabilitĂ© civile dĂ©cennale Ă  la charge du constructeur, il s'agira de la rĂ©ception des l'assurance dommages-ouvrage Ă  la charge du maĂźtre de l'ouvrage, il prendra effet aprĂšs l'expiration du dĂ©lai de la garantie de parfait titre informatif, le maĂźtre de l'ouvrage peut toujours former un recours directement contre le constructeur sans activer cette assurance. En cas de litige En cas de conflit entre le maĂźtre de l'ouvrage et le constructeur, les parties doivent d'abord tenter de le rĂ©soudre amiablement. En effet, l'article 56 du Code de procĂ©dure civile dispose que sauf justification d'un motif lĂ©gitime tenant Ă  l'urgence ou Ă  la matiĂšre considĂ©rĂ©e [
], l'assignation prĂ©cise Ă©galement les diligences entreprises en vue de parvenir Ă  une rĂ©solution amiable du litige ». A titre informatif, il est prĂ©fĂ©rable que la partie demanderesse envoie une mise en demeure de s'exĂ©cuter Ă  l'autre partie, avant de saisir le tribunal compĂ©tent. La mise en demeure permet de constater une inexĂ©cution contractuelle et d'enjoindre le dĂ©biteur d'exĂ©cuter ses obligations rapidement. Il est Ă  noter que la mise en demeure n'interrompt pas les dĂ©lais de prescription, au contraire de l'action en justice article 2241 du Code civil. Cependant, l'envoi d'une mise en demeure reprĂ©sente une derniĂšre tentative de rĂ©soudre le conflit amiablement et peut entraĂźner plusieurs consĂ©quences, notamment le versement de dommages et intĂ©rĂȘts. Pour qu'elle soit efficace, elle doit comporter plusieurs Ă©lĂ©ments comme l'indication qu'il s'agit d'une mise en le conflit persiste, les parties disposent de deux possibilitĂ©s Si l'affaire est urgente, les parties ne sont pas tenues d'essayer de rĂ©soudre leur litige amiablement. La partie demanderesse peut opter pour un recours en rĂ©fĂ©rĂ©. Certaines conditions devront ĂȘtre respectĂ©es notamment le caractĂšre urgent » de l'affaire pour pouvoir effectuer un tel recours. Le juge pourra ordonner une expertise judiciaire pour constater la prĂ©sence ou non de dĂ©sordres. Si le recours en rĂ©fĂ©rĂ© n'aboutit pas, une action au fond peut ĂȘtre est Ă©galement possible d'effectuer une action au fond sans recourir Ă  la procĂ©dure de rĂ©fĂ©rĂ©. Au contraire du jugement en rĂ©fĂ©rĂ©, le jugement au fond dispose de l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e. Cela signifie que lorsque les dĂ©lais de recours sont expirĂ©s pour faire appel de la dĂ©cision par exemple, l'objet du litige ne peut plus ĂȘtre jugĂ© Ă  nouveau. En fonction du montant du litige, le tribunal compĂ©tent pour connaĂźtre d'un conflit entre un maĂźtre de l'ouvrage et le constructeur diffĂšre. En effet, le tribunal d'instance sera compĂ©tent, si le montant du litige est infĂ©rieur Ă  10 000€ articles anciens et du Code de l'organisation judiciaire. Si le montant est supĂ©rieur, le tribunal de grande instance sera alors compĂ©tent articles anciens et du Code de l'organisation judiciaire.Toutefois, en raison de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance fusionneront, Ă  compter du 1er janvier 2020, afin de crĂ©er le tribunal la compĂ©tence territoriale du tribunal, il s'agira de la juridiction du lieu oĂč est situĂ© l'immeuble article 44 du Code de procĂ©dure civile. Article L211-3 - Code de l'organisation judiciaire »Version Ă  la date format JJ/MM/AAAAou du

article l 231 3 du code de l organisation judiciaire